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CORRESPONDANCE

bien persuadé que le pauvre diable de poëte doit être l’esclave du musicien comme du public.

Je vous remercie tendrement de votre acharnement pour Pandore ; mais ayez-en cent fois plus pour Eudoxie ; ne l’oubliez que deux mois pour la reprendre avec fureur ; soyez terrible et sublime autant que vous êtes aimable.

Je vous envoie une fadaise[1] l’adresse que vous m’indiquez. Je vous envoie cette lettre en droiture, afin que vous soyez averti[2].

7261. — À M. TOLLOT[3].
21 mai.

Le jeune homme, monsieur, à qui vous avez bien voulu écrire, serait très-fâché de vous avoir contristé, attendu qu’il n’a voulu que rire. Tout le monde rit, et il vous prie instamment de rire aussi. On peut très-bien être citoyen de Genève, et apothicaire, sans se fâcher. M. Colladon, mon ami, est d’une des plus anciennes familles de Genève[4], et un des meilleurs apothicaires de l’Europe. Quand on écrit à un apothicaire en Allemagne, l’adresse est à M. N…, apothicaire très-renommé. MM. Geoffroi et Boulduc[5], apothicaires, étaient de l’Académie des sciences, et ont eu toute leur vie de l’amitié pour moi. Tous les grands médecins de l’antiquité étaient apothicaires, et composaient eux-mêmes leurs remèdes ; en quoi ils l’emportaient beaucoup sur nos médecins d’aujourd’hui, parmi lesquels il y en a plus d’un qui ne sait pas où croissent les drogues qu’il ordonne.

Êtes-vous fâché qu’on dise que vous faites de beaux vers ? Si Hippocrate fut apothicaire, Esculape eut pour père le dieu des vers. En vérité, il n’y a pas là de quoi s’affliger. On vous aime et on vous estime ; soyez sain et gaillard, et n’ayez jamais besoin d’apothicaire.

  1. Probablement la Guerre civile de Genève ; voyez tome IX.
  2. Toutes les éditions, depuis celle de Kehl, donnent ici comme une lettre à Thieriot un fragment d’une lettre que Voltaire fit imprimer dans l’article Ana des Questions sur l’Encyclopédie (voyez tome XVII, page 215) ; elle est du 7 mai 1762, et adressée à Damilaville. (B.)
  3. On a jusqu’ici écrit Tholot. Je fais le changement d’après l’Histoire littéraire de Genève, par Senebier. Jean-Baptiste Tollot, maître apothicaire, né à Genève en 1698, est morl en 1773. Senebier dit que le quart du Journal helvétique est rempli des discours de morale et des petits vers de société composés par cet apothicaire. C’est lui que Voltaire a désigné par le nom de Dollot dans le second chant de la Guerre civile de Genève. (B.)
  4. Un des juges de Servet et se nommait Colladon.
  5. Voyez tome XXXVII, page 389 ; et XXXIV, 286.