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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/104

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Les desseins d’une cour en horreurs si fertile
Pénètrent rarement dans mon obscur asile.
Mais on dit qu’en effet Égisthe soupçonneux
Doit entraîner Électre à ces funèbres jeux ;
Qu’il ne souffrira plus qu’Électre en son absence
Appelle par ses cris Argos à la vengeance.
Il redoute sa plainte ; il craint que tous les cœurs
Ne réveillent leur haine au bruit de ses clameurs ;
Et, d’un œil vigilant, épiant sa conduite,
Il la traite en esclave, et la traîne à sa suite.

IPHISE.

Ma sœur esclave ! ô ciel ! ô sang d’Agamemnon !
Un barbare à ce point outrage encor ton nom !
Et Clytemnestre, hélas ! cette mère cruelle,
À permis cet affront, qui rejaillit sur elle !

PAMMÈNE.

Peut-être votre sœur avec moins de fierté
Devait de son tyran braver l’autorité,
Et, n’ayant contre lui que d’impuissantes armes,
Mêler moins de reproche et d’orgueil à ses larmes.
Qu’a produit sa fierté ? Que servent ses éclats ?
Elle irrite un barbare, et ne vous venge pas.

IPHISE.

On m’a laissé du moins, dans ce funeste asile,
Un destin sans opprobre, un malheur plus tranquille.
Mes mains peuvent d’un père honorer le tombeau,
Loin de ses ennemis, et loin de son bourreau :
Dans ce séjour de sang, dans ce désert si triste,
Je pleure en liberté, je hais en paix Égisthe.
Je ne suis condamnée à l’horreur de le voir
Que lorsque, rappelant le temps du désespoir,
Le soleil à regret ramène la journée
Où le ciel a permis ce barbare hyménée,
Où ce monstre, enivré du sang du roi des rois,
Où Clytemnestre…