Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/112

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102 ORESTE.

Quel est donc cet eflroi dont vous me pénétrez ? Mon bonheur est détruit, l’ivresse est dissipée ; Une lumière horrible en ces lieux m’a frappée. Qu’Égisthe est aveuglé, puisqu’il se croit heureux ! Tranquille, il me conduit è^ ces funèbres jeux ; 11 triomphe, et je sens succomber mon courage. Pour la première fois je redoute un présage ; Je crains Argos, Electre, et ses lugubres cris, La Grèce, mes sujets, mon fils, mon propre fils. Ah ! quelle destinée, et quel affreux supplice. De former de son sang ce qu’il faut qu’on haïsse î De n’oser prononcer sans des troubles cruels Les noms les plus sacrés, les plus chers aux mortels ! . Je chassai de mon cœur la nature outragée ;

Je tremble au nom d’un fils : la nature est vengée.

SCÈNE V.

ÉGISÏtlE, CLYTEMNESTRE.

CLYTEMNESTRE.

Ah ! trop cruel Égisthe, où guidiez-vous mes pas ? Pourquoi revoir ces lieux consacrés au trépas ?

ÉGISTHE.

Quoi ! ces solennités qui vous étaient si chères, Ces gages renaissants de nos destins prospères, Deviendraient à vos yeux des objets de terreur ! Ce jour de notre hymen est-il un jour d’horreur ?

CLYTEMNESTRE.

Non ; mais ce lieu peut-être est pour nous redoutable.

Ma famille y répand une horreur qui m’accable.

A des tourments nouveaux^tous mes sens sont ouverts.

Iphise dans les pleurs, Electre dans les fers.

Du sang versé par nous cette demeure empreinte,

Oreste, Agamemnon, tout me remplit de crainte.

ÉGISTHE.

Laissez gémir Iphise, et vous ressouvenez Qu’après tous nos affronts, trop longtemps pardonnes, L’impétueuse Electre a mérité l’outrage Dont j’humilie enfin cet orgueilleux courage.