Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/18

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8 PRÉFACE.

Cléopàtre dit qu’une princesse {Mort de Pompée, II, i),

Aimant sa renommée,

En avouant qu’elle aime, est sûre d’être aimée.

Que César

... Trace des soupirs, et, d’un style plaintif, Dans son champ de victoire il se dit son captif.

Elle ajoute qu’il ne tient qu’à elle d’avoir des rigueurs, et do rendre César malheureux ; sur quoi sa confidente lui répond :

J’oserais bien jurer que vos charmants appas Se vantent d’un pouvoir dont ils n’useront pas.

Dans toutes les pièces du même auteur, qui suivent la Mort de Pompée, on est obligé d’avouer que l’amour est toujours traité de ce ton familier. Mais, sans prendre la peine inutile de rapporter des exemples de ces défauts trop visibles, examinons seulement les meilleurs vers que l’auteur de Cinna ait fait débiter sur le théâtre comme maxime de galanterie :

II est des nœuds secrets, il est des sympathies, Dont par le doux rapport les àmes’assorties S’attachent l’une à l’autre, et se laissent piquer Par ce je ne sais quoi qu’on ne peut expli([ucr.

liodoijune, I, vu.

De bonne foi, croirait-on que ces vers du haut comique fussent dans la bouche d’une princesse des Parthes qui va demander à son amant la tête de sa mère ? Est-ce dans un jour si terrible qu’on parle « d’un je ne sais quoi, dont par le doux rapport les âmes sont assorties » ? Sophocle aurait-il débité de tels madrigaux ? Et toutes ces petites sentences amoureuses ne sont-elles pas uniquement du ressort de la comédie ?

Le grand homme qui a porté à un si haut point la véritable éloquence dans les vers, qui a fait parler à l’amour un langage à la fois si touchant et si noble, a mis cependant dans ses tragédies plus d’une scène que Boileau trouvait plus digne de la haute comédie de ïérence que du rival et du vainqueur d’Euripide.

On pourrait citer plus de trois cents vers dans ce goût. Ce n’est pas que la simplicité, qui a ses charmes, la naïveté, qui