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AVERTISSEMENT. 201

« Je ne crois pas qu’il soit possible, dit Lekain dans ses Mémoires, de rien entendre de plus vrai, de plus pathétique et de plus enthousiaste, que M. de Voltaire dans ce rôle. C’était en vérité Cicéron lui-même, tonnant à la tribune aux harangues coiitie le destructeur de la patrie, des lois, des mœurs et de la religion.

«.le me souviendrai toujours que M"^ la duchesse du. Maine, al)rès lui avoir témoigné son étonne nient et son admiration sur le nouveau rôle qu’il venait de composer, lui demanda quel était celui qui avait joué le rôle de Lentulus Sura, et que M. de Voltaire lui répondit : « Madame, c’est le « meilleur de tous. » Ce pauvre hère qu’il traitait avant tant de bonté, c’était moi-mêmé. »

Lorsqu’il partit pour Berlin le 28 juin IT-’iO, Voltaire laissa aux comé- diens français, avec qui il avait été en querelle, puis s’était réconcilié, le Duc de Foix [Adélaïde (/« GHCSc/m transformée), Zidime et Rome sauvée. Il devait toutefois, sur le conseil de ses anges, retoucher à cette dernière pièce.

À Berlin, Voltaire joua Rome sauvée avec les princes de Prusse dans les appartements de la princesse Amélie. Il remania profondément sa tragédie^ et en envoya la nouvelle version aux comédiens. Ceux-ci la mirent à Tétude, et en fixèrent la représentation au 12 février 1752. La représentation en fut, par ordre du duc de Richelieu, reculée jusqu’au 24, pour laisser le temps d’opérer d’autres changements envoyés par l’auteur. Enfin Rome sauvée, ou Calilina parut sur le Théâtre-Français ce jour-là, et obtint un grand succès. Citons, d’après M. Desnoiresterres, un témoignage contemporain, celui de Clément, dans les CMi7 années littéraires (1748-1732) : « Il n’y a peut- être pas de pièce de M. de Voltaire plus radieuse que celle-ci. Qu’on ne dise plus que son feu s’est éteint : je revois tout l’éclat de son coloris. Tout le monde rend justice aux détails ; on prend sa revanche sur le jilan : plan ou détails, M. de Crébillon n’a pas beau jeu. Le rôle de Cicéron a été universellement applaudi ; celui de Catilina lui est entièrement sacrifié. Celui d’Aurélie, femme de Calilina, a de grandes beautés ; le plus brillant de tous est celui de César ; je parle toujouis d’après l’impression générale. J’.ai vu des ennemis de l’auteur maigrir de scène en scène à la seconde représentation. On dit qu’ils reprennent chair, et de quinze jours la conversation ne languira. »

Rome sauvée eut, dans sa nouveauté, onze représentations. Elle ne reparut pas souvent à la scène. Pendant la Révolution, on s’abstint de lui donner place sur h^ théâtre, à côté de la Mort de César et de Rrutus.

1. Lekain n’avait alors que vingt-deux ans.