Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Qui de vous peut encor m’accuser ?

CICERON

Moi, perfide !
Moi, qu’un Catilina se vante de sauver ;
Moi, qui connais ton crime, et qui vais le prouver.
Que ces deux affranchis viennent se faire entendre.
Sénat, voici la main qui mettait Rome en cendre ;
Sur un père de Rome il a porté ses coups ;
Et vous souffrez qu’il parle, et qu’il s’en vante à vous ?
Vous souffrez qu’il vous trompe, alors qu’il vous opprime ?
Qu’il fasse insolemment des vertus de son crime ?

CATILINA

Et vous souffrez, Romains, que mon accusateur
Des meilleurs citoyens soit le persécuteur ?
Apprenez des secrets que le consul ignore ;
Et profitez-en tous, s’il en est temps encore.
Sachez qu’en son palais, et presque sous ces lieux,
Nonnius enfermait l’amas prodigieux
De machines, de traits, de lances et d’épées,
Que dans des flots de sang Rome doit voir trempées.
Si Rome existe encore, amis, si vous vivez,
C’est moi, c’est mon audace à qui vous le devez.
Pour prix de mon service, approuvez mes alarmes ;
Sénateurs, ordonnez qu’on saisisse ces armes.

CICERON, aux licteurs

Courez chez Nonnius, allez, et qu’à nos yeux
On amène sa fille en ces augustes lieux.
Tu trembles à ce nom !

CATILINA

Moi, trembler ? je méprise
Cette ressource indigne où ta haine s’épuise.
Sénat, le péril croît, quand vous délibérez.
Eh bien ! sur ma conduite êtes-vous éclairés ?

CICERON

Oui, je le suis, Romains, je le suis sur son crime.
Qui de vous peut penser, qu’un vieillard magnanime
Ait formé de si loin ce redoutable amas,
Ce dépôt des forfaits et des assassinats ?
Dans ta propre maison ta rage industrieuse
Craignait de mes regards la lumière odieuse.
De Nonnius trompé tu choisis le palais,
Et ton noir artifice y cacha tes forfaits.