Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/271

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N’a-t-il contre une armée, et des conspirateurs,
Que l’orgueil des faisceaux, et les mains des licteurs ?
Vous parlez de dangers ! Pensez-vous nous instruire
Que ce peuple insensé s’obstine à se détruire ?
Vous redoutez César ! Eh ! qui n’est informé
Combien Catilina de César fut aimé ?
Dans le péril pressant qui croît et nous obsède,
Vous montrez tous nos maux : montrez-vous le remède ?

CATON

Oui, j’ose conseiller, esprit fier et jaloux,
Que l’on veille à la fois sur César et sur vous.
Je conseillerais plus ; mais voici votre père.



Scène 2

Cicéron, Caton, une partie des sénateurs


CATON, à Cicéron

Viens, tu vois des ingrats. Mais Rome te défère
Les noms, les sacrés noms de père et de vengeur ;
Et l’envie à tes pieds t’admire avec terreur.

CICERON

Romains, j’aime la gloire, et ne veux point m’en taire[1] ;
Des travaux des humains c’est le digne salaire.
Sénat, en vous servant il la faut acheter :
Qui n’ose la vouloir, n’ose la mériter.
Si j’applique à vos maux une main salutaire,
Ce que j’ai fait est peu, voyons ce qu’il faut faire.
Le sang coulait dans Rome : ennemis, citoyens,
Gladiateurs, soldats, chevaliers, plébéiens,
Etalaient à mes yeux la déplorable image,
Et d’une ville en cendre, et d’un champ de carnage :
La flamme en s’élançant de cent toits dévorés,
Dans l’horreur du combat guidait les conjurés :
Céthégus et Sura s’avançaient à leur tête,
Ma main les a saisis ; leur juste mort est prête.
Mais quand j’étouffe l’hydre, il renaît en cent lieux :
Il faut fendre partout les flots des factieux.

  1. Voici le fameux couplet que Voltaire disait avec tant d’âme.