Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/333

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Une femme éperdue, et de larmes baignée,
Arrive, tend les bras à la garde indignée,
Et nous surprenant tous par ses cris forcenés :
« Arrêtez, c’est mon fils que vous assassinez !
C’est mon fils ! On vous trompe au choix de la victime. »
Le désespoir affreux qui parle et qui l’anime,
Ses yeux, son front, sa voix, ses sanglots, ses clameurs,
Sa fureur intrépide au milieu de ses pleurs,
Tout semblait annoncer, par ce grand caractère,
Le cri de la nature, et le cœur d’une mère.
Cependant son époux devant nous appelé,
Non moins éperdu qu’elle, et non moins accablé,
Mais sombre et recueilli dans sa douleur funeste :
« De nos rois, a-t-il dit, voilà ce qui nous reste ;
Frappez ; voilà le sang que vous me demandez. »
De larmes, en parlant, ses yeux sont inondés.
Cette femme à ces mots d’un froid mortel saisie,
Longtemps sans mouvement, sans couleur, et sans vie,
Ouvrant enfin les yeux, d’horreur appesantis,
Dès qu’elle a pu parler a réclamé son fils :
Le mensonge n’a point des douleurs si sincères ;
On ne versa jamais de larmes plus amères.
On doute, on examine, et je reviens confus
Demander à vos pieds vos ordres absolus.

gengis

Je saurai démêler un pareil artifice ;
Et qui m’a pu tromper est sûr de son supplice.
Ce peuple de vaincus prétend-il m’aveugler ?
Et veut-on que le sang recommence à couler ?

octar

Cette femme ne peut tromper votre prudence :
Du fils de l’empereur elle a conduit l’enfance :
Aux enfants de son maître on s’attache aisément ;
Le danger, le malheur ajoute au sentiment ;
Le fanatisme alors égale la nature,
Et sa douleur si vraie ajoute à l’imposture.
Bientôt, de son secret perçant l’obscurité,
Vos yeux sur cette nuit répandront la clarté.

gengis

Quelle est donc cette femme ?

octar

Quelle est donc cette femme ?On dit qu’elle est unie