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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/34

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Avancez-vous... gardez-vous, je vous prie,
D'imaginer que vous soyez jolie.

NANINE

Vous me l'avez si souvent répété,
Que si j'avais ce fonds de vanité,
Si l'amour-propre avait gâté mon âme,
Je vous devrais ma guérison, madame.

LA BARONNE

Où trouve-t-elle ainsi ce qu'elle dit ?
Que je la hais ! Quoi ! Belle, et de l'esprit !

Avec dépit,

Écoutez-moi. J'eus bien de la tendresse
Pour votre enfance.

NANINE

Oui. Puisse ma jeunesse
être honorée encor de vos bontés !

LA BARONNE

Eh bien ! Voyez si vous les méritez.
Je prétends, moi, ce jour, cette heure même,
Vous établir ; jugez si je vous aime.

NANINE

Moi ?

LA BARONNE

Je vous donne une dot. Votre époux
Est fort bien fait, et très digne de vous ;
C'est un parti de tout point fort sortable :
C'est le seul même aujourd'hui convenable ;
Et vous devez bien m'en remercier :
C'est, en un mot, Blaise le jardinier.

NANINE

Blaise, Madame ?

LA BARONNE

Oui. D'où vient ce sourire ?
Hésitez-vous un moment d'y souscrire ?
Mes offres sont un ordre, entendez-vous ?
Obéissez, ou craignez mon courroux.

NANINE

Mais...

LA BARONNE

Apprenez qu'un mais est une offense.
Il vous sied bien d'avoir l'impertinence
De refuser un mari de ma main !