Elle n’est à vos yeux qu’une femme coupable,
D’un criminel obscur épouse méprisable.
Il en sera puni ; je le dois, je le veux :
Ce n’est pas avec lui que je suis généreux.
Moi, laisser respirer un vaincu que j’abhorre !
Un esclave ! Un rival !
Vous êtes tout-puissant, et n’êtes point vengé !
Juste ciel ! à ce point mon cœur serait changé !
C’est ici que ce cœur connaîtrait les alarmes,
Vaincu par la beauté, désarmé par les larmes,
Dévorant mon dépit et mes soupirs honteux !
Moi, rival d’un esclave, et d’un esclave heureux !
Je souffre qu’il respire, et cependant on l’aime !
Je respecte Idamé jusqu’en son époux même ;
Je crains de la blesser en enfonçant mes coups
Dans le cœur détesté de cet indigne époux.
Est-il bien vrai que j’aime ? Est-ce moi qui soupire ?
Qu’est-ce donc que l’amour ? A-t-il donc tant d’empire ?
Je n’appris qu’à combattre, à marcher sous vos lois ;
Mes chars et mes coursiers, mes flèches, mon carquois,
Voilà mes passions et ma seule science :
Des caprices du cœur j’ai peu d’intelligence ;
Je connais seulement la victoire et nos mœurs :
Les captives toujours ont suivi leurs vainqueurs.
Cette délicatesse importune, étrangère,
Dément votre fortune et votre caractère.
Et qu’importe pour vous qu’une esclave de plus
Attende en gémissant vos ordres absolus ?
Qui connaît mieux que moi jusqu’où va ma puissance ?
Je puis, je le sais trop, user de violence ;
Mais quel bonheur honteux, cruel, empoisonné,
D’assujettir un cœur qui ne s’est point donné,
De ne voir en des yeux, dont on sent les atteintes,
Qu’un nuage de pleurs et d’éternelles craintes,
Et de ne posséder, dans sa funeste ardeur,
Qu’une esclave tremblante à qui l’on fait horreur !