Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/354

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C’est à toi maintenant de conserver sa vie,
Et ton fils, et ta gloire à mon honneur unie.

idamé

Ordonne ; que veux-tu ? Que faut-il ?

zamti

Ordonne ; que veux-tu ? Que faut-il ?M’oublier,
Vivre pour ton pays, lui tout sacrifier.
Ma mort, en éteignant les flambeaux d’hyménée.
Est un arrêt des cieux qui fait ta destinée.
Il n’est plus d’autres soins ni d’autres lois pour nous :
L’honneur d’être fidèle aux cendres d’un époux
Ne saurait balancer une gloire plus belle.
C’est au prince, à l’état, qu’il faut être fidèle.
Remplissons de nos rois les ordres absolus ;
Je leur donnai mon fils, je leur donne encor plus.
Libre par mon trépas, enchaîne ce tartare ;
Éteins sur mon tombeau les foudres du barbare :
Je commence à sentir la mort avec horreur
Quand ma mort t’abandonne à cet usurpateur :
Je fais en frémissant ce sacrifice impie ;
Mais mon devoir l’épure, et mon trépas l’expie :
Il était nécessaire autant qu’il est affreux.
Idamé, sers de mère à ton roi malheureux ;
Règne, que ton roi vive, et que ton époux meure :
Règne, dis-je, à ce prix : oui, je le veux…

idamé

Règne, dis-je, à ce prix : oui, je le veux…Demeure.
Me connais-tu ? Veux-tu que ce funeste rang
Soit le prix de ma honte, et le prix de ton sang ?
Penses-tu que je sois moins épouse que mère ?
Tu t’abuses, cruel, et ta vertu sévère
A commis contre toi deux crimes en un jour,
Qui font frémir tous deux la nature et l’amour.
Barbare envers ton fils, et plus envers moi-même,
Ne te souvient-il plus qui je suis, et qui t’aime ?
Crois-moi ; dans nos malheurs il est un sort plus beau,
Un plus noble chemin pour descendre au tombeau.
Soit amour, soit mépris, le tyran qui m’offense,
Sur moi, sur mes desseins, n’est pas en défiance :
Dans ces remparts fumants, et de sang abreuvés,
Je suis libre, et mes pas ne sont point observés ;
Le chef des coréens s’ouvre un secret passage,