Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/36

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NANINE

Le croyez-vous ?

LA BARONNE

Le monde est haïssable,
Jaloux...

NANINE

Oh ! Oui.

LA BARONNE

Fou, méchant, vain, trompeur,
Changeant, ingrat ; tout cela fait horreur.

NANINE

Oui ; j'entrevois qu'il me serait funeste,
Qu'il faut le fuir...

LA BARONNE

La chose est manifeste ;
Un bon couvent est un port assuré.
Monsieur le comte, ah ! Je vous préviendrai.

NANINE

Que dites-vous de monseigneur ?

LA BARONNE

Je t'aime
À la fureur ; et dès ce moment même
Je voudrais bien te faire le plaisir
De t'enfermer pour ne jamais sortir.
Mais il est tard, hélas ! Il faut attendre
Le point du jour. écoute : il faut te rendre
Vers le minuit dans mon appartement.
Nous partirons d'ici secrètement
Pour ton couvent à cinq heures sonnantes :
Sois prête au moins.


Scène VI

.

NANINE

Quelles douleurs cuisantes !
Quel embarras ! Quel tourment ! Quel dessein !
Quels sentiments combattent dans mon sein !
Hélas ! Je fuis le plus aimable maître !
En le fuyant, je l'offense peut-être ;
Mais, en restant, l'excès de ses bontés
M'attirerait trop de calamités,