Vous ferez d’un seul mot le sort de cet empire ;
Mais ce mot important, madame, il faut le dire :
Prononcez sans tarder, sans feinte, sans détour,
Si je vous dois enfin ma haine ou mon amour.
L’une et l’autre aujourd’hui serait trop condamnable ;
Votre haine est injuste, et votre amour coupable ;
Cet amour est indigne et de vous et de moi :
Vous me devez justice ; et si vous êtes roi,
Je la veux, je l’attends pour moi contre vous-même.
Je suis loin de braver votre grandeur suprême ;
Je la rappelle en vous, lorsque vous l’oubliez ;
Et vous-même en secret vous me justifiez.
Eh bien ! Vous le voulez ; vous choisissez ma haine,
Vous l’aurez ; et déjà je la retiens à peine :
Je ne vous connais plus ; et mon juste courroux
Me rend la cruauté que j’oubliais pour vous.
Votre époux, votre prince, et votre fils, cruelle,
Vont payer de leur sang votre fierté rebelle.
Ce mot que je voulais les a tous condamnés ;
C’en est fait, et c’est vous qui les assassinez.
Barbare !
Vous aviez un amant, vous n’avez plus qu’un maître,
Un ennemi sanglant, féroce, sans pitié,
Dont la haine est égale à votre inimitié.
Eh bien ! Je tombe aux pieds de ce maître sévère :
Le ciel l’a fait mon roi ; seigneur, je le révère :
Je demande à genoux une grâce de lui.
Inhumaine, est-ce à vous d’en attendre aujourd’hui ?
Levez-vous : je suis prêt encore à vous entendre.
Pourrai-je me flatter d’un sentiment plus tendre ?
Que voulez-vous ? Parlez.
Seigneur, qu’il soit permis
Qu’en secret mon époux près de moi soit admis,
Que je lui parle.