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À MESSIEURS


LES PARISIENS[1]





Messieurs[2],


Je suis forcé par l’illustre M. Fréron de m’exposer vis-à-vis[3] de vous. Je parlerai sur le ton du sentiment et du respect ; ma plainte sera marquée au coin de la bienséance, et éclairée du flambeau de la vérité. J’espère que M. Fréron sera confondu vis-à-vis des honnêtes gens qui ne sont pas accoutumés à se prêter aux méchancetés de ceux qui, n’étant pas sentimentés, font métier et marchandise[4] d’insulter le tiers et le quart, sans aucune provocation, comme dit Cicéron dans l’oraison pro Murena, page 4.

Messieurs, je m’appelle Jérôme Carré, natif de Montauban ; je suis un pauvre jeune homme sans fortune, et comme la volonté me change d’entrer dans Montauban, à cause que M. Lefranc de Pompignan m’y persécute, je suis venu implorer la protection

  1. Cette plaisanterie fut publiée la veille de la représentation. (1761.)
  2. La première édition de cet opuscule était intitulée Requête de Jérôme Carré aux Parisiens. Une autre édition a pour titre Requête adressée à MM. les Parisiens, par B.-Jérôme Carré, natif de Montauban, traducteur de la comédie intitulée le Café, ou l’Écossaise, pour servir de post-préface à ladite comédie : À Messieurs les Parisiens. Cette Requête, composée dès le mois de juin (voyez lettre d’Argental, 10 juin 1760) était imprimée en juillet. Voltaire n’avait pas encore vu l’imprimé à la fin d’auguste ; on lui avait dit qu’il était différent du manuscrit. Voyez lettre à Damilaville, du 20 auguste. (B.)
  3. Dans les Opuscules de Fréron, tome II, page 78, on lit : Défaut essentiel vis-à-vis des trois quarts des gens du monde. Voltaire a souvent critiqué le mauvais emploi du mot vis-à-vis ; voyez, par exemple, dans la Correspondance, la lettre à d’Olivet, du 5 janvier 1767. (B.)
  4. Hémistiche du Tartuffe, acte Ier, scène vi :

    Font de dévotion métier et marchandise.