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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/439

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FRÉLON.

Ou aimez-moi, ou craignez-moi : vous savez qu’il y a quelque chose.

POLLY.

Non, il n’y a rien, sinon que ma maîtresse est aussi respectable que vous êtes haïssable : nous sommes très à notre aise, nous ne craignons rien, et nous nous moquons de vous.

FRÉLON.

Elles sont très à leur aise, de là je conclus que tout leur manque ; elles ne craignent rien, c’est-à-dire qu’elles tremblent d’être découvertes… Ah ! je viendrai à bout de ces aventurières, ou je ne pourrai. Je me vengerai de leur insolence. Mépriser monsieur Frélon !

(Il sort.)

Scène V.

LINDANE, sortant de sa chambre, dans un déshabillé des plus simples ; POLLY.
LINDANE.

Ah ! ma pauvre Polly, tu étais avec ce vilain homme de Frélon : il me donne toujours de l’inquiétude : on dit que c’est un esprit de travers, et un homme dangereux, dont la langue, la plume, et les démarches, sont également méchantes ; qu’il cherche à s’insinuer partout, pour faire le mal s’il n’y en a point, et pour l’augmenter s’il en trouve. Je serais sortie de cette maison qu’il fréquente, sans la probité et le bon cœur de notre hôte.

POLLY.

Il voulait absolument vous voir, et je le rembarrais…

LINDANE.

Il veut me voir ; et milord Murray n’est point venu ! il n’est point venu depuis deux jours !

POLLY.

Non, madame ; mais parce que milord ne vient point, faut-il pour cela ne dîner jamais ?

LINDANE.

Ah ! souviens-toi surtout de lui cacher toujours ma misère, et à lui, et à tout le monde : ce n’est point la pauvreté qui est intolérable, c’est le mépris : je sais manquer de tout, mais je veux qu’on l’ignore.