grands que les vôtres, de ne me pas exposer à l’horreur de vous perdre lorsque je vous retrouve… Ayez pitié de moi, épargnez votre vie et la mienne.
Vous m’attendrissez ; votre voix pénètre mon cœur ; je crois entendre celle de votre mère. Hélas ! que voulez-vous ?
Que vous cessiez de vous exposer, que vous quittiez cette ville si dangereuse pour vous… et pour moi… Oui, c’en est fait, mon parti est pris. Mon père, je renoncerai à tout pour vous… oui, à tout… Je suis prête à vous suivre : je vous accompagnerai, s’il le faut, dans quelque île affreuse des Orcades[1] ; je vous y servirai de mes mains ; c’est mon devoir, je le remplirai… C’en est fait, partons.
Vous voulez que je renonce à vous venger ?
Cette vengeance me ferait mourir : partons, vous dis-je.
Eh bien ! l’amour paternel l’emporte : puisque vous avez le courage de vous attacher à ma funeste destinée, je vais tout préparer pour que nous quittions Londres avant qu’une heure se passe ; soyez prête, et recevez encore mes embrassements et mes larmes.
Scène VII.
C’en est fait, ma chère Polly, je ne reverrai plus milord Murray ; je suis morte pour lui.
Vous rêvez, mademoiselle ; vous le reverrez dans quelques minutes. Il était ici tout à l’heure.
Il est ici, et il ne m’a point vue ! c’est là le comble, mon malheureux père ! que ne suis-je partie plus tôt !
- ↑ Voltaire cherche à rappeler ici les infortunes de Charles-Édouard. Voyez le Précis du siècle de Louis XV. (G. A.)