Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/486

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LINDANE.

Ah ! milord, gardez qu’il ne vous voie ; il n’est venu ici que pour finir ses malheurs en vous arrachant la vie, et je ne fuyais avec lui que pour détourner cette horrible résolution.

LORD MURRAY.

La vôtre est plus cruelle : croyez que je ne le crains pas, et que je le ferai rentrer en lui-même. (En se retournant.) Quoi ! on n’est pas encore revenu ? Ciel ! que le mal se fait rapidement, et le bien avec lenteur !

LINDANE.

Le voici qui vient me chercher : si vous m’aimez, ne vous montrez pas à lui, privez-vous de ma vue, épargnez-lui l’horreur de la vôtre, éloignez-vous du moins pour quelque temps.

LORD MURRAY.

Ah ! que c’est avec regret ! mais vous m’y forcez : je vais rentrer ; je vais prendre des armes qui pourront faire tomber les siennes de ses mains.



Scène IV.


MONROSE, LINDANE.

MONROSE.

Allons, ma chère fille, seul soutien, unique consolation de ma déplorable vie ! partons,

LINDANE.

Malheureux père d’une infortunée ! je ne vous abandonnerai jamais : cependant daignez souffrir que je reste encore.

MONROSE.

Quoi ! après m’avoir si fort pressé vous-même de partir ! après m’avoir offert de me suivre dans les déserts où nous allons cacher nos disgrâces ! Avez-vous changé de dessein ? Avez-vous retrouvé et perdu en si peu de temps le sentiment de la nature ?

LINDANE.

Je n’ai point changé, j’en suis incapable… je vous suivrai… mais, encore une fois, attendez quelque temps ; accordez cette grâce à celle qui vous doit des jours si remplis d’orages ; ne me refusez pas des instants précieux.

MONROSE.

Ils sont précieux en effet, et vous les perdez : songez-vous que nous sommes à chaque moment en danger d’être découverts, que