Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/499

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AVERTISSEMENT
POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

« L’aventure d’Aiiodant et de Genèvre dans le poëme de l’Arioste, traitée depuis sous une autre forme dans un roman très-agréable de Mme de Fontaines, intitulé la Comtesse de Savoie, a fourni à Voltaire le sujet de Tancrède. J’entends par le sujet l’idée principale, l’idée mère qui, dans toute espèce de drame, est si décisive pour l’intérêt et le succès. Celle-ci était une des plus heureuses dont le génie dramatique pût s’emparer. C’est un amant qui combat pour sauver l’honneur et la vie de sa maîtresse, en même temps qu’il la croit coupable de la plus odieuse infidélité ’. »

Vous vous rappelez, en effet, le récit qui commence au cinquième chant de l’Orlando furioso


Tu inonderai

La maggior crudeltade et la piu espressa

Ch’in ïebe, o in Argo, o ch’in Micene mai,

O in loco piu crudol fosse commessa.

« L’action que vous allez entendre dépasse en cruauté et en atrocité celles qui jadis furent commises à Thèbes, à Mycènes, à Argos, dans tous les lieux enfin célèbres par les crimes les plus barbares… »

Il faudrait remonter plus haut que l’Arioste, et jusqu’au moyen âge, si l’on voulait chercher lidée première de la fable d’Ariodant et de Genèvre. Mais comme Laharpe a le soin de le constater. Voltaire n’eut pas même besoin de puiser cette idée dans l’Orlando furioso. Il la trouva dans un petit roman de Mme de Fontaines, dont il avait salué l’apparition par une pièce de vers, quand il n’avait que dix-neuf ans. La Comtesse de Savoie, que l’auteur lui avait lue en 1713, car elle ne fut imprimée qu’en 1726, laissa sans doute une vive impression dans l’esprit de Voltaire. Une phrase de ce petit roman, un mot nous met pour ainsi dire sur les traces du travail qui se fit dans son esprit. Le héros de Mme de Fontaines s’appelle Mendoce. L’auteur dit quelque part que « Mendoce était en Sicile, où il rendait son nom aussi fameux que celui des Tancrède ». Il est bien probable que c’est à cause de

1. Laharpe, Cours de littérature, édit. de 1825, tome XII, p. 291.