Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/505

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À MADAME

LA MARQUISE DE POMPADOUR.

Madame,

Toutes les épîtres dédicatoires ne sont pas de lâches flatteries, toutes ne sont pas dictées par l’intérêt : celle que tous reçûtes de M. Crébillon, mon confrère à l’Académie, et mon premier maître^ dans un art que j’ai toujours aimé, fut un monument de sa reconnaissance ; le mien durera moins, mais il est aussi juste. J’ai vu dès votre enfance Mes grâces et les talents se développer ; j’ai reçu de vous, dans tous les temps, des témoignages d’une bonté toujours égale. Si quelque censeur pouvait désapprouver l’hommage que je vous rends ^ ce ne pourrait être qu’un cœur né ingrat. Je vous dois beaucoup, madame, et je dois le dire. J’ose encore plus, j’ose vous remercier publiquement du bien que vous avez fait à un très-grand nombre de véritables gens de lettres, de grands artistes, d’hommes de mérite en plus d’un genre.

1. Crébillon avait dedic son Catiiina à M">« de Pompadour. Lorsqu’il citait ici Crébillon avec quelque éloge. Voltaire ne savait pas qu’il avait, comme censeur, donn : ’son approbation à la comédie d.-s Philoso2711es, et qu’il se fût ainsi dégradé au point d’être le receleur de Palissot (lettre à Duclos, le ’22 octobre 1700). Peu après, il écrivait à M"’" d’Argental, le ’20 novembre. « Crébillon, mon maître ; bonne plaisanterie que Fréron prend pour du sérieux. » (B.)

2. Voltaire avait connu M"’^ de Pompadour chez les Paris.

3. Une lettre anonyme dénonça cette phrase comme une perfidie. M"’« du Hausset, qui rapporte cette lettre dans ses Mémoires (page 357 du volume intitulé Mélanges d’histoire et de littérature, 1827, in-8"), trouve que, par cette phrase, Voltaire avoue qu’il sent qu’on doit trouver extraordinaire qu’il dédie son ouvrage à une femme que le public juge peu estimable. Voltaire fut dès ce moment perdu dans l’esprit de madame (de Pompadour) et dans celui du roi, et il n’a certainement jamais pu en deviner la cause. Voltaire voulait, par cette dédicace, ? «o« - trer aux sots que les philosophes ont autant d’appui que les persécuteurs des philosophes. Voyez sa lettre à d’Argental, du 27 octobre 17G0. (B.)

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