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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/512

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502 TANCREDE

Et tout de Syracuse annonçait la ruine.

Mais nos coiBninas tyrraws, l’un 4e l’autpe jaloux,

Armés pour nous détruire, ont combattu pour nous ;

Ils ont perdu leur force en disputant leur proie.

A notre liberté le ciel ©UTire une voie ;

Le moment est propice, il faut en profiter.

La grandeur musulmane est à son dernier âge ;

On commence en Europe à la moins redouter.

Dans la France un Martel, en Espagne un Pelage,

Le grand Léon ^ dans Rome, armé d’un saint courage.

Nous ont assez appris comme on peut la dompter.

J-e sais qu’aux factions Syracuse livrée N’a qu’une liberté faible et mal assurée. Je ne veux point ici vous rappeler ces temps Où nous tournions sur nous nos armes criminelles. Où l’État répandait le sang de ses enfants. Étouffons dans l’oubli nos indignes querelles. Orbassan, qu’il ne soit qu’un parti parmi nous, Celui du bien public et du salut de tous. Que de notre union l’État puisse renaître ; Et, si de nos égaux nous fûmes trop jaloux,

1. Léon IV, un des grands papes que Rome ait jamais eus. II cliassa les Arabes, et sauva Rome en 849. Voici comme en parle l’auteur de V Essai sur l’histoire générale et sur les mœurs des nations : « Il était né Romain ; le courage des premiers âges de la république revivait en lui dans un temps de lâcheté et de corruption, tel qu’un des beaux monuments de l’ancienne Rome qu’on trouve quelquefois dans les ruines de la nouvelle. » — Les premières éditions étaient sans nom d’auteur, ainsi que Voltaire l’avait demandé par sa lettre à M""= d’Argentat, du 25 octobre 1700. L’Essai sur l’histoire générale est, depuis 1769, intitulé Essai sur les mœurs. Le passage cité par Voltaire est au chapitre xxvii. Les éditeurs de Kehl avaient substitué à la note de Voltaire que je rétablis une note qu’ils avaient composée, et que voici : « Par le grand Léon, M. de Voltaire entend Léon IV, et non le pape Léon r"", connu dans les cloîtres sous le nom de saint Léon, de Léon le Grand. Ce saint Léon est le premier pape qui ait approuvé le supplice des hérétiques. 11 dit dans ses lettres que le tyran Maxime, en punissant de mort Priscillien, a rendu un grand service à l’Église ; et il poursuivit avec violence ce qui restait de priscillianistes en Lspagne. Les légendaires racontent qu’un jour une femme lui ayant baisé la main, il sentit un mouvement de concupiscence ; qu’en conséquence il se coupa la main. Mais la Vierge la lui rendit quelques jours après, afin qu’il pût célébrer la messe. C’est depuis ce temps qu’on baise les pieds du pape, attendu que le pied étant enveloppé dans une pantoufle, le saint père court moins de risque d’être obligé de se le couper. On sent bien que ce n’est pas à ce pape que M. de Voltaire a pu donner le nom de Grand. D’ailleurs saint Léon vivait plusieurs siècles avant l’époque où la tragédie de Tancrède est placée. »

— On a donné quelquefois cette note des éditeurs de Kehl pour une note de Voltaire. (B.)