Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/528

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{il8 TANCREDE.

Les soupçons n’entraient point dans leurs esprits altiers,

1/honneur avait uni tous ces grands chevaliers :

Chez les seuls ennemis ils portaient les alarmes ;

Et le peuple, amoureux de leur autorité,

Comhattait pour leur gloire et pour sa liherté.

Ils abaissaient les Grecs, ils triomphaient du Maure.

Aujourd’hui je ne vois qu’un sénat ombrageux,

Toujours en défiance, et toujours orageux,

(Uii lui-même se craint, et que le peuple abhorre.

Je ne sais si mon cœur est trop plein de ses feux ;

Trop de prévention peut-être me possède ;

Mais je ne puis souffrir ce qui n’est pas Tancrède :

Ca foule des humains n’existe point pour moi ;

Son nom seul en ces lieux dissipe mon effroi,

Et tous ses ennemis irritent ma colère.

SCÈNE II.

AMÉNAÏDE, FANIE, sur le devant ; ARGIRE,

LES CHEVALIERS, au fond.

ARGIRE.

Chevaliers… je succombe à cet excès d’horreur. Ah ! j’espérais du moins mourir sans déshonneur.

(À sa fille, avec des sanglots mêlés de colère.)

Retirez-vous… sortez…

AMÉNAÏDE.

Ou’entends-je ? vous, mon père !

ARGIRE.

Moi, ton père ! est-ce à toi de prononcer ce nom, Quand tu trahis ton sang, ton pays, ta maison ?

AMENAÏDE, faisant un pas, appu}-ée sur Fanie.

Je suis perdue !…

ARGIRE.

Arrête… ah, trop chère victime ! Qu’as-tu fait ?

AMÉNAÏDE, pleurant.

Nos malheurs…

ARGIRE.

Pleures-tu sur ton crime ?