Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/542

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532 TANCRÈDE.

L’auguste Aménaïde en éprouve l’outrage. Entrons : je veux la voir, l’entendre, et m’éclairer.

ALDAMOX.

Ah ! seigneur, arrêtez : il faut donc tout vous dire ; On l’arrache des hras du malheureux Argire ; Elle est aux fers.

TANCRÈDE,

Qu’entends-je ?

ALDAMON.

Et l’on va la livrer, Dans cette place même, au plus affreux supplice.

TANCRÈDE.

Aménaïd e !

ALDAMON,

Hélas ! si c’est une justice. Elle est bien odieuse ; on ose en murmurer. On pleure ; mais, seigneur, on se borne à pleurer.

TANCRÈDE.

Aménaïde ! ô cieux !… Crois-moi, ce sacrifice, Cet horrible attentat ne s’achèvera pas.

ALDAMON.

Le peuple au tribunal précipite ses pas : 11 la plaint, il gémit, en la nommant perfide ; Et d’un cruel spectacle indignement avide, Turbulent, curieux avec compassion. Il s’agite en tumulte autour de la prison. Étrange empressement de voir des misérables ! On hâte en gémissant ces moments formidables. Ces portiques, ces lieux que vous voyez déserts, De nombreux citoyens seront bientôt couverts. Éloignez-vous, venez.

TANCRÈDE,

Quel vieillard vénérable Sort d’un temple en tremblant, les yeux baignés de pleurs ? Ses suivants consternés imitent ses douleurs,

ALDAMON.

C’est Argire, seigneur, c’est ce malheureux père…

TANCRÈDE.

Retire-toi… Surtout ne me découvre pas. Que je le plains !