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548 TANCRÈDE.

Je renonce à Tancrède, au reste des mortels ; Ils sont faux ou méchants, ils sont faibles, cruels, Ou trompeurs, ou trompés ; et ma douleur profonde. En oubliant Tancrède, oubliera tout le monde.

SCÈNE VI.

ARGIRE, AMÉNAÏDE, suite.

ARGIRE, soutenu par ses écuyers.

Mes amis, avancez, sans plaindre mes tourments. On’va combattre ; allons, guidez mes pas tremblants. Ne pourrai-je embrasser ce héros tutélaire ? Ah ! ne puis-je savoir qui t’a sauvé le jour ?

AMÉNAÏDE, plongée dans sa douleur, appuyée d’une main sur Fauie, et se tournant à moitié versso : i père.

Ln mortel autrefois digne de mon amour,

Ln héros en ces lieux opprimé par mon père,

Que je n’osais nommer, que vous avez proscrit.

Le seul et cher objet de ce fatal écrit.

Le dernier rejeton d’une famille auguste,

Le plus grand des humains, hélas ! le plus injuste ;

En un mot, c’est Tancrède.

ARGIRE.

ciel ! que m’as-tu dit ?

AMÉNAÏDE.

Ce que ne peut cacher la douleur qui m’égare, Ce que je vous confie en craignant tout pour lui.

ARGIRE.

Lui, Tancrède !

AMÉNAÏDE.

Et quel autre eût été mon appui ?

ARGIRE.

Tancrède qu’opprima notre sénat barbare ?

AMÉNAÏDE.

Oui, lui-même.

ARGIRE.

Et pour nous il fait tout aujourd’hui I Nous lui ravissions tout, biens, dignités, patrie ; Et c’est lui qui pour nous vient prodiguer sa vie ! juges malheureux, qui dans nos faibles mains