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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/85

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seau… ? — Le petit Rousseau…[1] » Voltaire ne réfléchissait pas qu’il empêchait le spectacle, et sans doute était-il loin d’avoir fini, lorsqu’une grande femme à l’air viril, se dressant de toute sa hauteur, lui dit d’une voix de stentor : « Si vous ne vous taisez pas, je vais vous donner un soufflet ; » ce qui le mit en fuite, et fit rire toute la salle. Cette virago, habituée dans son ménage à parler sur ce ton, était l’hommasse Mme Le Bas, la femme du célèbre graveur, qui, du reste, n’était point inconnue à notre poëte. »

Il y a de l’exagération sans doute dans tout ce que raconte Collé de la conduite de Voltaire en cette circonstance, mais il y a aussi une part de vérité. La lutte était des plus vives. Voltaire l’avait dit à d’Argental : « Je sais bien que je fais la guerre, et je la veux faire ouvertement. Loin de me proposer des embuscades de nuit, armez-vous, je vous en prie, pour des batailles rangées, et faites-moi des troupes, enrôlez-moi des soldats, créez des officiers…[2] »

Aucune autre pièce de Voltaire ne souleva, d’autre part, plus de railleries, d’épigrammes, de quolibets, de turlupinades. L’historiette de Polichinelle, que nous avons racontée à propos de Mérope[3], fut renouvelée avec aggravation. Oreste, dans sa nouveauté, eut neuf représentations, la dernière le 7 février 1750.

Remis au théâtre en 1762, Oreste obtint un succès complet, grâce surtout à la manière supérieure dont Mlle Clairon interpréta alors le rôle d’Électre. Cette tragédie disparut ensuite de la scène pendant plus de vingt ans. Mme Vestris, qui remplaça Mlle Clairon, fit de vains efforts pour obtenir qu’on reprit cette pièce. Brizard, qui avait un rôle brillant dans Palamède (d’Électre) et un médiocre dans Pammène (d’Oreste), écarta obstinément la reprise d’Oreste. Oreste toutefois fut joué pour quelques débuts, entre autres pour celui de Mlle Raucourt, et toujours avec succès. L’œuvre de Voltaire eut, comme la plupart de ses pièces, une sorte de renouveau après la Révolution. « L’effet du théâtre, dit Laharpe, a confirmé par degrés une justice d’abord refusée ; et, dans les dernières représentations d’Oreste, toutes les beautés en ont été vivement senties, et l’impression en a été beaucoup plus grande que n’est depuis longtemps celle d’Électre. »




  1. On désignait sous ce nom Pierre Rousseau, auteur de plusieurs comédies.
  2. Lettre du 23 août 1749.
  3. Voyez Théâtre, tome III, page 174, note 2.