Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/152

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Je prétends l’un et l’autre ; et je veux bien te dire
Que tes pleurs, tes regrets, tes expiations,
N’en imposeront pas aux yeux des nations,
Ne crois pas qu’à présent l’amitié considère
Si tu fus innocent de la mort de son père :
L’opinion fait tout ; elle t’a condamné.
Aux faiblesses d’amour ton cœur abandonné
Séduisait Olympie en cachant sa naissance ;
Tu crus ensevelir dans l’éternel silence
Ce funeste secret dont je suis informé ;
Ce n’est qu’en la trompant que lu pus être aimé.
Ses veux s’ouvrent enfin, c’en est fait ; et Cassandre
N’ose lever les siens, n’a plus rien à prétendre.
De quoi t’es-tu flatté ? Pensais-tu que ses droits
T’élèveraient un jour au rang de roi des rois ?
Je peux de Statira prendre ici la défense ;
Mais veux-tu conserver notre antique alliance ?
Veux-tu régner en paix dans tes nouveaux États,
Me revoir ton ami, t’appuyer de mon bras ?


Cassandre

Eh bien ?

Antigone

Cède Olympie, et rien ne nous sépare ;
Je périrai pour toi : sinon je te déclare
Que je suis le plus grand de tous tes ennemis.
Connais tes intérêts, pèse-les, et choisis.


Cassandre

Je n’aurai pas de peine, et je venais te faire
Une offre différente, et qui pourra le plaire.
Tu ne connais ni loi, ni remords, ni pitié,
Et c’est un jeu pour toi de trahir l’amitié.
J’ai craint le ciel du moins : tu ris de sa justice,
Tu jouis des forfaits dont tu fus le complice ;
Tu n’en jouiras pas, traître…


Antigone

Que prétends-tu ?

Cassandre

Si dans ton âme atroce il est quelque vertu,
N’employons pas les mains du soldat mercenaire
Pour assouvir la rage et servir ma colère.
Qu’a de commun le peuple avec nos factions ?
Est-ce à lui de mourir pour nos divisions ?