Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

AVERTISSEMENT

POUR LA PRIiSENTE ÉDITION.

Le 13 juillet 1763, Voltaire écrivait au comte d’Argental qu’il avait eu tète un drame un peu barbare, un peu à l’anglaise, « destiné à faire un très-grand eiïet sur le théâtre ». Il ne voulait le donner d’incognito : « Soyez persuadé que le public ne se tournera jamais de mon côté, quand il verra que je veux paraître toujours sur la scène ; on se lasse de voir toujours le même homme. » Pour dérouter le monde, il voulait y mettre un style dur. Il y aurait de l’assassinat. Elle serait bien loin de nos mœurs douces ; le spectacle serait assez beau, quelquefois très-pittoresque. Ce drame serait l’œuvre d’un jeune homme qui promettrait quelque chose de bien sinistre, et qu’il faudrait encourager. « Ne serait-ce pas un grand plaisir pour vous de vous moquer de ce public si frivole, si chargeant, si incertain dans ses goûts, si volage, si français ? > ;

Il s’agissait du Triumvirat. Voltaire hésite toutefois a prendre ce titre déjà employé par Crébillon. « Le titre me ferait soupçonner, et on dirait que je suis le savetier qui raccommode toujours les vieux cothurnes de Crébillon ; cependant il est difficile de donner un autre titre à l’ouvrage. »

Dans l’intimité, Voltaire appelait sa pièce les Roués. « Ce n’est [las, écrit-il à d’Argental, ce n’est pas un ex-jésuite qui a fait les Roués, c’est un jeune novice, qui demanda son congé dès qu’il sut la banqueroute du P. La Valette et qu’il apprit que nos seigneurs du parlement avaient un malin vouloir contre saint [gnace de Loyola. Le public, sans doute, proté- gera ce pauvre diable ; mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle amusera mes anges. Je crois déjà les voir rire sous cape à la représentation. »

Le succès ne répondit pas à l’attente de l’auteur, qui retira sa pièce après la première représentation, et se mit à la corriger et à la refondre avec une infatigable ardeur.