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192 LE TRIUMVIRAT.

OCTAVE.

Rome pleure sa mort.

ANTOINE.

Elle pi euro en silence. Cassius et Brutiis, réduits à l’impuissance, Inspireront peut-ôlre aux autres nations Une éternelle horreur de nos proscriptions. Laissons-les en tracer d’effroyables images, Et contre nos deux noms révolter tous les âges. Assassins de leur maître et de leur bienfaiteur, C’est leur indigne nom qui doit être en horreur : Ce sont les cœurs ingrats qu’il est temps qu’on punisse ; Seuls ils sont criminels, et nous faisons justice. Ceux qui les ont servis, qui les ont approuvés, Aux mêmes châtiments seront tous réservés ^ De vingt mille guerriers, péris dans nos batailles, D’un œil sec et tranquille on voit les funérailles ; Sur leurs corps étendus, victimes du trépas, Nous volons, sans pâlir, à de nouveaux combats ; Et de la trahison cent malheureux complices Seraient au grand César de trop chers sacrifices !

OCTAVE.

Dans Rome en ce jour même on venge encor sa mort ; Mais sachez qu’à mon cœur il en coûte un effort. Trop d’horreur à la fin peut souiller sa vengeance ; Je serais plus son fils si j’avais sa clémence.

ANTOINE.

La clémence aujourd’hui peut nous perdre tous deux.

OCTAVE.

L’excès des cruautés serait plus dangereux.

ANTOINE,

Redoutez-vous le peuple ?

OCTAVE.

Il faut qu’on le ménage ; Il faut lui faire aimer le frein de l’esclavage. D’un œil d’indifférence il voit la mort des grands ; Mais quand il craint pour lui, malheur à ses tyrans’ !

i. Ces vers furent appliqués aux jacobins survivants qu’on transporta, en 1800. aux îles Scchelles. (G. A.)

2. Imitation de ces vers où Juvénal dit de Domiticn :

Sed periit postquam cerdonihus esse limandais Cœperat, hoc nocuit lamiarum ca-de madenti, etc.