Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE DEUXIÈME.

SCÈNE I.

FULVIE, AUFIDE.

AUFIDE.

Oui, j’ai tout, entendu ; le sang et le carnage Ne coûtaient rien, madame, à votre époux volage. Je suis toujours surpris que ce cœur elTréné, Plongé dans la licence, au vice abandonné. Dans les plaisirs aflreux qui partagent sa vie, Garde une cruauté tranquille et réfléchie. Octave même, Octave en paraît indigné ; Il regrettait le sang où son bras s’est baigné ; Il n’était plus lui-même : il semble qu’il rougisse D’avoir eu si longtemps Antoine pour complice. Peut-être aux yeux des siens il feint un repentir Pour mieux tromper la terre, et mieux l’assujettir : Ou peut-être son âme, en secret révoltée, De sa propre furie était épouvantée. J’ignore s’il est né pour éprouver un jour Vers l’humaine équité quelque faible retour * ;

1. Il faut avouer qu’Auguste eut de ces retours heureux, quand le crime ne lui fut plus nécessaire, et qu’il vit qu’étant maître absolu il n’avait plus d’autre intérêt que celui de paraître juste : mais il me semble qu’il fut toujours plus impitoyable que clément ; car, après la bataille d’Actium, il fit égorger le fils d’Antoine au pied de la statue de César, et il eut la bar-barie de faire trancher la tète au jeune Ci’sarion, fils de César et de Cléopâtre, que lui-même avait reconnu pour roi d’Ksypte.

Ayant un jour soupçonné le préteur Gallius Quintus d’èti’e venu à l’audience avec un poi-^nard sous sa robe, il le fit appliquer en sa présence à la torture ; et, dans l’indignation où il Fut de s’entendre appeler tyran par ce sénateur, il lui arracha lui-même les yeux, si on en croit Suétone.

On sait que César, son père adoptif, fut assez grand pour pardonner à presque