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338 AVIS AU LECTEUR.

que personne ne voudrait ramasser. (Iranger le libraire met son nom hardiment à un tome de Mélanges^ ; un ex-jésuite- lui attribue des livres ridicules, et écrit contre ces livres un libelle l)eaucoup plus ridicule encore, et tout cela se vend à des provinciaux et à des étrangers, qui croient acheter ce qu’il y a de plus intéressant dans la littérature française. Il est vrai que toutes ces impertinences tombent et meurent comme des insectes éphémères ; mais ces insectes se reproduisent toutes les années. Rien n’est plus aisé à faire qu’un mauvais livre, si ce n’est une mauvaise critique, La basse littérature inonde une partie de l’Europe : le goût se corrompt tous les jours. Il en est à peu près de l’art d’écrire comme de celui de la déclamation : il y a plus de six cents comédiens français répandus dans l’Europe, et à peine deux ou trois qui aient reçu de la nature les dons nécessaires, et qui aient pu approfondir leur art. Combien avons-nous d’écrivains qui à peine savent leur langue, et qui commencent par dire leur avis sur les arts qu’ils n’ont jamais pratiqués ; sur l’agriculture, sans avoir possédé un champ ; sur le ministère, sans être jamais entrés dans le bureau d’un commis ; sur l’art de gouverner, sans avoir pu seulement gouverner leur servante ! Combien s’érigent en critiques, qui n’ont jamais pu produire d’eux-mêmes un ouvrage supportable ; qui parlent de poésie, et qui ne savent pas seulement la mesure d’un vers ! Combien enfin deviennent calomniateurs de profession pour avoir du pain, et vendent des injures à tant la feuille !

1. Il s’agit soit du volume intitulé Mélanges de poésies, de littérature, d’histoire et de’philosophie, 17G1, in-12 do 32i pages ; soit de celui qui a pour titre : Troisième Suite des mélanges de poésie, etc., 1761, in-8" de 470 pages, qui se trouve quelquefois relie comme XIX*’volume des Œuvres de Voltaire. (B,)

2. Nonotte. (B.)