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ACTE II


Scène I

Gourville L’Aîné, Le Jeune Gourville
Tous deux arrivent et continuent la conversation  : l’aîné est vêtu de noir, la perruque de travers, l’habit mal boutonné.
LE JEUNE GOURVILLE.

N’es-tu donc pas honteux, en effet, à ton âge,
De vouloir devenir un grave personnage ?
Tu forces ton instinct par pure vanité,
Pour parvenir un jour à la stupidité.
Qui peut donc contre toi t’inspirer tant de haine ?
Pour être malheureux tu prends bien de la peine.
Que dirais-tu d’un fou qui, des pieds et des mains,
Se plairait d’écraser les fleurs de ses jardins
De peur d’en savourer le parfum délectable ?
Le ciel a formé l’homme animal sociable.
Pourquoi nous fuir ? Pourquoi se refuser à tout ?
Être sans amitié, sans plaisirs, et sans goût,
C’est être un homme mort. Oh ! La plaisante gloire
Que de gâter son vin de crainte de trop boire !
Comme te voilà fait ! Le teint jaune et l’œil creux !
Penses-tu plaire au ciel en te rendant hideux ?
Au monde, en attendant, sois très sûr de déplaire.
La charmante Ninon, qui nous tient lieu de mère,
Voit avec grand chagrin qu’en ta propre maison,
Loin d’elle, et loin de moi, tu languis en prison.
Est-ce monsieur Garant qui, par son éloquence,
Nourrit de tes travers la lourde extravagance ?
Allons, imite-moi, songe à te réjouir ;
Je prétends, malgré toi, te donner du plaisir.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

De si vilains propos, une telle conduite,