Scène III
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Puisqu’il n’est plus ici, je puis avec candeur,
Madame, en liberté vous ouvrir tout mon cœur.
J’ai traité devant lui cette importante affaire
Comme peu dangereuse, et j’excusais mon frère ;
Mais je dois avec vous faire réflexion
Que nous hasardons tous la réputation
D’une fille nubile, et sous vos yeux instruite,
Au chemin de l’honneur par vos leçons conduite :
Ce chemin de l’honneur est tout à fait glissant ;
Ceci fera du bruit, le monde est médisant.
Et c’est ce que je crains.
Une fille enlevée,
Avec procès-verbal chez un homme trouvée :
Vous sentez bien, madame, et vous comprenez bien
Que de tout le Marais ce sera l’entretien ;
Qu’il en faut prévenir la triste conséquence.
Par ma foi, ce jeune homme est rempli de prudence.
J’ai fort à cœur aussi, dans ce fâcheux éclat,
Le propre honneur lésé de monsieur l’avocat.
Que pensera tout l’ordre en voyant un confrère
Qui prend, sans respecter son grave caractère,
Une fille à ses yeux enlevée aujourd’hui,
Dont un autre est aimé ?… Fi ! J’en rougis pour lui.
Mais, monsieur, c’est moi seul que cette affaire touche :
On me donne une dot qui doit fermer la bouche
Aux malins envieux, prêts à tout censurer ;
Dix mille écus comptant sont à considérer.
Vous avez de gros biens ?