Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Scène III

.

Les Précédents ; Le Jeune Gourville, Monsieur Agnant, Madame Agnant
LE JEUNE GOURVILLE.

Puisqu’il n’est plus ici, je puis avec candeur,
Madame, en liberté vous ouvrir tout mon cœur.
J’ai traité devant lui cette importante affaire
Comme peu dangereuse, et j’excusais mon frère ;
Mais je dois avec vous faire réflexion
Que nous hasardons tous la réputation
D’une fille nubile, et sous vos yeux instruite,
Au chemin de l’honneur par vos leçons conduite :
Ce chemin de l’honneur est tout à fait glissant ;
Ceci fera du bruit, le monde est médisant.

MADAME AGNANT.

Et c’est ce que je crains.

LE JEUNE GOURVILLE.

Une fille enlevée,
Avec procès-verbal chez un homme trouvée :
Vous sentez bien, madame, et vous comprenez bien
Que de tout le Marais ce sera l’entretien ;
Qu’il en faut prévenir la triste conséquence.

MONSIEUR AGNANT.

Par ma foi, ce jeune homme est rempli de prudence.

LE JEUNE GOURVILLE.

J’ai fort à cœur aussi, dans ce fâcheux éclat,
Le propre honneur lésé de monsieur l’avocat.
Que pensera tout l’ordre en voyant un confrère
Qui prend, sans respecter son grave caractère,
Une fille à ses yeux enlevée aujourd’hui,
Dont un autre est aimé ?… Fi ! J’en rougis pour lui.

L’AVOCAT PLACET.

Mais, monsieur, c’est moi seul que cette affaire touche :
On me donne une dot qui doit fermer la bouche
Aux malins envieux, prêts à tout censurer ;
Dix mille écus comptant sont à considérer.

MONSIEUR AGNANT., toujours bien fixe, et l’air un peu hébété d’un buveur honnête, mais non pas d’un vilain ivrogne de comédie à hoquets.

Vous avez de gros biens ?