Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/59

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LE BAILLIF.

Pour écouter sa femme ? La loi porte
Que s’il osait se tenir à la porte,
Se présenter avant le temps marqué,
Faire du bruit, se tenir pour choqué,
S’émanciper à sottises pareilles,
On fait couper sur-le-champ ses oreilles.

MATHURIN.

La belle loi ! les beaux droits que voilà !
Et ma moitié ne dit mot à cela ?

ACANTHE.

Moi, j’obéis, et je n’ai rien à dire.

LE BAILLIF.

Déniche ; il faut qu’un mari se retire :
Point de raisons.

MATHURIN, sortant.

Point de raisons. Ma femme heureusement
N’a point d’esprit ; et son air innocent,
Sa conversation ne plaira guère.

LE BAILLIF.

Veux-tu partir ?

MATHURIN.

Veux-tu partir ?Adieu donc, ma très-chère ;
Songe surtout au pauvre Mathurin,
Ton fiancé.

, (Il sort.)


ACANTHE.

Ton fiancé. J’y songe avec chagrin.
Quelle sera cette étrange entrevue ?
La peur me prend ; je suis tout éperdue.

LE BAILLIF.

Asseyez-vous ; attendez en ce lieu
Un maître aimable et vertueux. Adieu.


Scène V.



ACANTHE.

Il est aimable… Ah ! je le sais, sans doute.
Pourrai-je, hélas ! mériter qu’il m’écoute ?
Entrera-t-il dans mes vrais intérêts,
Dans mes chagrins et dans mes torts secrets ?