Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/173

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AVERTISSEMENT

POUR LA PRÉSENTK ÉDITION.

Le père de Sophonisbe était M. Lantin, celui des Pélopides M. Durand, celui des Lois de Minos fut M. Duroncel, tous jeunes gens débutant dans la carrière tragique, que Voltaire prenait sous sa protection, sans toutefois convaincre personne de leur existence. Il écrit à d’Argental le 1 9 janvier 1772 : « Il y a vraiment dans ce drame je ne sais quoi de singulier et de magnifique qui sent son ancienne Grèce, et si les Welches ne s’amusent pas de ces spectacles grecs, ce n’est pas ma faute ; je les tiens pour réprouvés à jamais. Pour moi, qui ne suis que Suisse, j’avoue que la pièce m’a fait passer une heure agréable dans mon lit, où je végète depuis longtemps. »

Et le 5 février, il reprend : « Ce qui me plaît de sa drôlerie, c’est qu’elle forme un très-beau spectacle. D’abord des prêtres et des guerriers disant leur avis sur une estrade, une petite fille amenée devant eux qui leur chante pouilles, un contraste de Grecs et de sauvages, un sacrifice, un prince qui arrache sa fille à un cvéque tout prêt à lui donner l’extrême onction ; et, à la fin de la pièce, le maître-autel détruit, et la cathédrale en flammes : tout cela peut amuser ; rien n’est amené par force, tout est de la plus grande simplicité ; et il m’a paru même qu’il n’y avait aucune faute contre la langue, quoique l’auteur soit un provincial. »

Il pensait encore que les Lois de Minos seraient bien reçues du chancelier, qui devait s’y reconnaître comme dans un miroir, mais la pièce prê- tait à des allusions de plus d’une sorte. « Il y a encore des gens, dit-il, qui croient que c’est l’ancien parlement qu’on joue. Il faut laisser dire le monde. » Ailleurs : « Vous verrez bien que le roi de Crète Teucer est le roi de Pologne Stanislas-Auguste Poniatovvski, et que le grand-prêtre est l’évêque de Cracovie ; comme aussi vous pourrez prendre le temple de Gortine pour l’église de Notre-Dame de Czenstochova. » Enfin on aurait pu croire que le poëte avait songé à la Suède, quand Gustave III accomplit en quelques heures une révolution qui, du moins, ne coûta pas une goutte de sang, à C’était le roi de Pologne, dit Voltaire à d’Alembert, qui devait jouer le rôle de Teucer, et il se trouve que c’est le roi de Suède qui l’a joué. »

Toutes ces circonstances pouvaient être favorables à la tragédie, et l’auteur comptait sur un succès pour lui faciliter un voyage à Paris ; mais ses espérances cette fois encore furent dégues. Les Lois de Minos furent im-