Donnerons audience à ces hommes rustiques :
Reçois-les, et surtout qu’ils puissent ignorer
Les sacrés attentats qu’on ose préparer.
Je ne te cèle point combien mon âme émue
De ces cydoniens abhorre l’entrevue.
Je hais, je dois haïr ces sauvages guerriers,
De ma famille entière insolents meurtriers ;
J’ai peine à contenir cette horreur qu’ils m’inspirent :
Mais ils offrent la paix où tous mes vœux aspirent :
J’étoufferai la voix de mes ressentiments,
Je vaincrai mes chagrins, qui résistaient au temps :
Il en coûte à mon cœur, tu connais sa blessure :
Ils vont renouveler ma perte et mon injure.
Mais faut-il en punir un objet innocent ?
Livrerai-je Astérie à la mort qui l’attend ?
On vient. Puissent les dieux, que ma justice implore,
Ces dieux trop mal servis, ces dieux qu’on déshonore,
Inspirer la clémence, accorder à mes vœux
Une loi moins cruelle et moins indigne d’eux !
Scène II.
Prenez place, seigneurs, au temple de Gortine[1] ;
Adorez et vengez la puissance divine.
Pharès continue.)
Prêtres de Jupiter, organes de ses lois,
Confidents de nos dieux, et vous, roi des crétois,
Vous, archontes vaillants, qui marchez à la guerre
Sous les drapeaux sacrés du maître du tonnerre,
Voici le jour de sang, ce jour si solennel,
Où je dois présenter aux marches de l’autel
- ↑ La ville de Gortine était la capitale de la Crète, où l’on avait élevé le fameux temple de Jupiter. (Note de Voltaire.)