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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/191

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Quand lui-même il vengeait sur les enfants d’Égée
La majesté des dieux, et la mort d’Androgée.
Nos suffrages, Teucer, vous ont donné son rang :
Vous ne le tenez point des droits de votre sang ;

    bablement aussi ancienne que leur religion et leurs temples. Nous ne citons pas ces coutumes de l’antiquité pour faire parade d’une science vaine, mais c’est en gémissant de voir que les superstitions les plus barbares semblent un instinct de la nature humaine, et qu’il faut un effort de raison pour les abolir.
    Lycaon et Tantale, servant aux dieux leurs enfants en ragoût, étaient deux pères superstitieux, qui commirent un parricide par piété. Il est beau que les mythologistes aient imaginé que les dieux punirent ce crime, au lieu d’agréer cette offrande.
    S’il y a quelque fait avéré dans l’histoire ancienne, c’est la coutume de la petite nation connue depuis en Palestine sous le nom de Juifs. Ce peuple, qui emprunta le langage, les rites, et les usages de ses voisins, non-seulement immola ses ennemis aux différentes divinités qu’il adora jusqu’à la transmigration de Babylone, mais il immola ses enfants mêmes. Quand une nation avoue qu’elle a été très-longtemps coupable de ces abominations, il n’y a pas moyen de disputer contre elle ; il faut, la croire.
    Outre le sacrifice de Jephté, qui est assez connu, les Juifs avouent qu’ils brûlaient leurs fils et leurs filles en l’honneur de leur dieu Moloch, dans la vallée de Topheth. Moloch signifie à la lettre le Seigneur. Ædificaverunt excelsa Topheth, quæ est in valle filii Ennom, ut incenderent filios suos et filias suas igni. « Ils ont bâti les hauts lieux de Topheth, qui est dans la vallée du fils d’Ennom, pour y mettre en cendre leurs fils et leurs filles par le feu. » (Jérém., VII, 31.)
    Si les Juifs jetaient souvent leurs enfants dans le feu pour plaire à la Divinité, ils nous apprennent aussi qu’ils les faisaient mourir quelquefois dans l’eau. Ils leur écrasaient la tête à coups de pierre au bord des ruisseaux. « Vous immolez aux dieux vos enfants dans des torrents sous des pierres. » (Isaïe, LVII.)
    Il s’est élevé une grande dispute entre les savants sur le premier sacrifice de trente-deux filles, offert au dieu Adonaï, après la bataille gagnée par la horde juive sur la horde madianite, dans le petit désert de Madian arabe, sous le commandement d’Eléazar, du temps de Moise : on ne sait pas positivement en quelle année.
    Le livre sacré intitulé les Nombres nous dit (Nomb., xxxi) que les Juifs ayant tué dans le combat tous les mâles de la horde madianite, et cinq rois de cette horde, avec un prophète, et Moïse leur ayant ordonné, après la bataille, de tuer toutes les femmes, toutes les veuves, et tous les enfants à la mamelle, on partagea ensuite le butin qui était de 40 000 livres en or, à compter le sicle à 6 francs de notre monnaie d’aujourd’hui ; plus six cent soixante et quinze mille brebis, soixante et douze mille bœufs, soixante et un mille ânes, trente-deux mille filles vierges, le tout étant le reste des dépouilles, et les vainqueurs étant au nombre de douze mille, dont il n’y en eut pas un de tué.
    Or, du butin partagé entre tous les Juifs, il y eut trente-deux filles pour la part du Seigneur.
    Plusieurs commentateurs ont jugé que cette part du Seigneur fut un holocauste, un sacrifice de ces trente-deux filles, puisqu’on ne peut dire qu’on les voua aux autels, attendu qu’il n’y eut jamais de religieuses chez les Juifs ; et que, s’il y avait eu des vierges consacrées en Israël, on n’aurait pas pris des Madianites pour le service de l’autel : car il est clair que ces Madianites étaient impurs, puisqu’ils n’étaient pas Juifs. On a donc conclu que ces trente-deux filles avaient