Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/194

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Des repaires sanglants de leurs antres sauvages,
Ont cent fois de la Crète infesté les rivages ;
Toujours en vain punis, ils ont toujours brisé
Le joug de l’esclavage à leur tête imposé.
Remplissez à la fin votre juste vengeance.
Une épouse, une fille à peine en son enfance,
Aux champs de Bérécinthe, en vos premiers combats,
Sous leurs toits embrasés mourantes dans vos bras,
Demandent à grands cris qu’on apaise leurs mânes.
Exterminez, grands dieux, tous ces peuples profanes !
Le vil sang d’une esclave, à nos autels versé,
Est d’un bien faible prix pour le ciel offensé.
C’est du moins un tribut que l’on doit à mon temple ;
Et la terre coupable a besoin d’un exemple.

Teucer.

Vrais soutiens de l’état, guerriers victorieux,
Favoris de la gloire, et vous, prêtres des dieux,
Dans cette longue guerre où la Crète est plongée,
J’ai perdu ma famille, et ce fer l’a vengée ;
Je pleure encor sa perte ; un coup aussi cruel
Saignera pour jamais dans ce cœur paternel.
J’ai dans les champs d’honneur immolé mes victimes ;
Le meurtre et le carnage alors sont légitimes ;
Nul ne m’enseignera ce que mon bras vengeur
Devait à ma famille, à l’état, à mon cœur :
Mais l’autel ruisselant du sang d’une étrangère
Peut-il servir la Crète, et consoler un père ?
Plût aux dieux que Minos, ce grand législateur,
De notre république auguste fondateur,
N’eût jamais commandé de pareils sacrifices !

    nous célébrons l’anniversaire dans cette année centenaire 1772, s’il y avait en plus d’ordre et de dignité dans l’exécution.
    Ne fut-ce pas un vrai sacrifice que la mort d’Anne Dubourg, prêtre et conseiller au parlement, également respecté dans ces deux ministères ? N’a-t-on pas vu d’autres barbaries plus atroces, qui soulèveront longtemps les esprits attentifs et les cœurs sensibles dans l’Europe entière ? N’a-t-on pas vu dévouer à une mort affreuse, et à la torture, plus cruelle que la mort, deux enfants qui ne méritaient qu’une correction paternelle ? Si ceux qui ont commis cette atrocité ont des enfants, s’ils ont eu le loisir de réfléchir sur cette horreur, si les reproches qui ont frappé leurs oreilles de toutes parts ont pu amollir leurs cœurs, peut-être verseront-ils quelques larmes en lisant cet écrit. Mais aussi n’est-il pas juste que les auteurs de cet horrible assassinat public soient à jamais en exécration au genre humain ? (Note de Voltaire.)