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ACTE DEUXIÈME.

SCÈNE I.

LÉONOKE, ELVIRE.

LÉOXORE.

Je n’avais pas connu, jusqu’à ce triste jour,

Le danger d’être simple et d’ignorer la cour.

Je vois trop qu’en effet il est des conjonctures

Où les cœurs les plus droits, les vertus les plus pures,

Ne servent qu’à produire un indigne soupçon.

Dans ces temps malheureux tout se tourne en poison.

Au fond de mes déserts pourquoi m’a-t-on cherchée ?

Au séjour de la paix pourquoi suis-jc arrachée ?

Ah ! si l’on connaissait le néant des grandeurs,

Leurs tristes vanités, leurs fantômes trompeurs,

Quon en détesterait le brillant esclavage !

ELVIRE.

Ne pensez qu’à don Pèdre, au nœud qui vous engage. Songez que, dans ces temps de trouhle et de terreur, De lui seul, après tout, dépend votre honheur.

LÉONOUE.

Le bonheur ! ah ! quel mot ta bouche me prononce !

Le bonheur ! à nos yeux l’illusion l’annonce,

L’illusion l’emporte, et s’enfuit loin de nous.

Mon malheur, chère Elvire, est d’aimer mon époux :

Il m’entraîne en tombant, il me rend la victime

D’un peuple qui le hait, d’un sénat qui l’opprime,

De Transtamare enfin, dont la témérité

Ose me reprocher une infidélité ;

Comme si, de mon cœur s’étant rendu le maître,

Par ma lâche inconstance il eût cessé de l’être.

Et si, déjà formée aux vices de la cour,