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Scène IV

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Irène, alexis, Zoé.
alexis

Daignez souffrir ma vue, et bannissez vos craintes...
Je ne viens point troubler par d'inutiles plaintes
Un coeur à qui le mien se doit sacrifier,
Et rappeler des temps qu'il nous faut oublier.
Le destin me ravit la grandeur souveraine ;
Il m'a fait plus d'outrage : il m'a privé d'Irène...
Dans l'orient soumis mes services rendus
M'auraient pu mériter les biens que j'ai perdus ;
Mais lorsque sur le trône on plaça Nicéphore,
La gloire en ma faveur ne parlait point encore ;
Et n'ayant pour appui que nos communs aïeux,
Je n'avais rien tenté qui pût m'approcher d'eux.
Aujourd'hui Trébisonde entre nos mains remise,
Les scythes repoussés, la Tauride conquise,
Sont les droits qui vers vous m'ont enfin rappelé.
Le prix de mes travaux était d'être exilé !
Le suis-je encore par vous ? N'osez-vous reconnaître
Dans le sang dont je suis le sang qui vous fit naître ?

irène

Prince, que dites-vous ? Dans quel temps, dans quels lieux,
Par ce retour fatal étonnez-vous mes yeux ?
Vous connaissez trop bien quel joug m'a captivée,
La barrière éternelle entre nous élevée,
Nos devoirs, nos serments, et surtout cette loi
Qui ne vous permet plus de vous montrer à moi.
Pour calmer de César l'injuste défiance,
Il vous aurait suffi d'éviter ma présence.
Vous n'avez pas prévu ce que vous hasardez.
Vous me faites frémir : seigneur, vous vous perdez.

alexis

Si je craignais pour vous je serais plus coupable ;
Ma présence à César serait plus redoutable.
Quoi donc ! Suis-je à Byzance ? Est-ce vous que je vois ?
Est-ce un sultan jaloux qui vous tient sous ses lois ?