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480 OnNERVATIONS SIU LH JULES CESAR.

Irc’s-cultivé, et le goût ronuo, comme les Italiens l’ont eu au XVI’siècle, et les Français au xvii", pour ne vouloir rien que de raisonnable, rien que de sagement écrit, et pour exiger qu’une pièce de théùtre soit digne de la cour des Médicis ou de celle de Louis XIV.

Malheureusement Lope de Vega et Shakespeare eurent du génie dans un temps où le goût n’était point du tout formé ; ils corrompirent celui de leurs compatriotes, qui, en général, étaient alors extrêmement ignorants. Plusieurs auteurs dramatiques, en Espagne et en Angleterre, tâchèrent d’imiter Lope et Shakespeare ; mais, n’ayant pas leurs talents, ils n’imitèrent que leurs fautes ; et par là ils servirent encore à établir la réputation de ceux qu’ils voulaient surpasser.

Nous ressemblerions à ces nations si nous avions été dans le même cas. Leur théâtre est resté dans une enfance grossière, et le nôtre a peut-être acquis trop de raffinement. J’ai toujours pensé qu’un heureux et adroit mélange de l’action qui règne sur le théâtre de Londres et de Madrid, avec la sagesse, l’élégance, la noblesse, la décence du nôtre, pourrait produire quelque chose de parfait, si pourtant il est possible de rien ajouter à des ouvrages tels qu’lpliigènic et Athalic.

Je nomme ici Iphigénic et Athalic, qui me paraissent être, de toutes les tragédies qu’on ait jamais faites, celles qui approchent le plus de la perfection. Corneille n’a aucune pièce parfaite ; on l’excuse sans doute ; il était presque sans modèle et sans conseil ; il travaillait trop rapidement ; il négligeait sa langue, qui n’était pas perfectionnée encore : il ne luttait pas assez contre les difficultés de la rime, qui est le plus pesant de tous les jougs, et qui force si souvent à ne point dire ce qu’on veut dire. Il était inégal comme Shakespeare, et plein de génie comme lui ; mais le génie de Corneille était à celui de Shakespeare ce qu’un seigneur est à l’égard d’un homme du peuple né avec le même esprit que lui.

FIN DES OBSERVATIONS SUR LE JULES CESAR.