De la religion le prétexte ordinaire
Fut un voile honorable à cet affreux mystère.
Par sa feinte vertu tout le peuple échauffé
Ranima son courroux encor mal étouffé.
Il leur représentait le culte de leurs pères,
Les derniers attentats des sectes étrangères,
Me peignait ennemi de l’Église et de Dieu :
Il porte, disait-il, ses erreurs en tout lieu ;
Il suit d’Élisabeth les dangereux exemples ;
Sur vos temples détruits il va fonder ses temples[1] ;
Vous verrez dans Paris ses prêches criminels[2].
« Tout le peuple, à ces mots, trembla pour ses autels.
Jusqu’au palais du roi l’alarme en est portée.
La Ligue, qui feignait d’en être épouvantée,
Vient de la part de Rome annoncer à son roi
Que Rome lui défend de s’unir avec moi.
Hélas ! le roi, trop faible, obéit sans murmure ;
Et, lorsque je volais pour venger son injure,
J’apprends que mon beau-frère, à la Ligue soumis,
S’unissait, pour me perdre, avec ses ennemis ;
De soldats, malgré lui, couvrait déjà la terre,
Et par timidité me déclarait la guerre.
Je plaignis sa faiblesse ; et, sans rien ménager,
Je courus le combattre, au lieu de le venger.
De la Ligue, en cent lieux, les villes alarmées
Contre moi dans la France enfantaient des armées :
Joyeuse, avec ardeur, venait fondre sur moi,
Ministre impétueux des faiblesses du roi :
Guise, dont la prudence égalait le courage,
Dispersait mes amis, leur fermait le passage.
D’armes et d’ennemis pressé de toutes parts,
Je les défiai tous, et tentai les hasards.
« Je cherchai dans Coutras ce superbe Joyeuse[3].
- ↑ Ce vers a été omis dans les éditions de 1723 et 1724; il fut rétabli en 1728. (B.)
- ↑ On reprit l'auteur d'avoir mis le mot de prêches dans un poëme épique. Il répondit que tout peut y entrer, et que l'épithète de criminels relève l'expression de prêches. (Note de Voltaire, 1768.)
- ↑ Anne, duc de Jojeuse, donna la bataille de Coutras contre Henri IV, alors roi de Navarre, le 20 octobre 1587. On comparait son armée à celle de Darius, et l'armée de Henri IV à celle d'Alexandre. Joyeuse fut tué dans la bataille par