Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/114

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Telle une tendre fleur, qu’un matin voit éclore
Des baisers du Zéphire et des pleurs de l’Aurore[1],
Brille un moment aux yeux, et tombe, avant le temps,
Sous le tranchant du fer, ou sous l’effort des vents.
« Mais pourquoi rappeler cette triste victoire ?
Que ne puis-je plutôt ravir à la mémoire
Les cruels monuments de ces affreux succès !
Mon bras n’est encor teint que du sang des Français[2] :
Ma grandeur, à ce prix, n’a point pour moi de charmes,
Et mes lauriers sanglants sont baignés de mes larmes.
« Ce malheureux combat ne fit qu’approfondir
L’abîme dont Valois voulait en vain sortir.
Il fut plus méprisé, quand on vit sa disgrâce ;
Paris fut moins soumis, la Ligue eut plus d’audace,
Et la gloire de Guise, aigrissant ses douleurs,
Ainsi que ses affronts redoubla ses malheurs.
Guise[3], dans Vimory, d’une main plus heureuse,
Vengea sur les Germains la perte de Joyeuse ;
Accabla, dans Auneau, mes alliés surpris ;
Et, couvert de lauriers, se montra dans Paris.
Ce vainqueur y parut comme un dieu tutélaire.
Valois vit triompher son superbe adversaire,

  1. Imitation de Virgile (Æn-, IX, 435-37):
    Purpureus veluti cum flos, succisus aratro,
    Languescit moriens; lassove papavera collo
    Demisere caput, pluvia cum forte gravantur.

    Dans son poëme d'Adonis, vers 531-32, La Fontaine a dit :
    Les fleurs, présent de Flore,
    Filles du blond Sommeil et des pleurs de l'Aurore.

    Cette dernière expression a aussi été employée par Bernard dans son ode sur la Rose :
    Tendre fruit des pleurs de l'Aurore.
  2. Dans Adélaïde du Guesclin, acte II, scène i, Voltaire a dit :
    Et ce bras qui n'est teint que du sang des Français.

    Le vers qu'on lit aujourd'hui dans la Henriade est de 1737. (B.)
  3. Dans le même temps que l'armée du roi était battue à Coutras, le duc de Guise faisait des actions d'un très-habile général contre une armée nombreuse de réïtres venus au secours de Henri IV; et, après les avoir harcelés et fatigués longtemps, il les défit au village d'Auneau. (Note de Voltaire, 1730.)