Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/116

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Appuyé des Romains, secouru des Ibères,
Adoré des Français, secondé de ses frères,
Ce sujet[1] orgueilleux crut ramener ces temps
Où de nos premiers rois les lâches descendants,
Déchus presque en naissant de leur pouvoir suprême,
Sous un froc odieux cachaient leur diadème,
Et dans l’ombre d’un cloître en secret gémissants,
Abandonnaient l’empire aux mains de leurs tyrans.
« Valois, qui cependant différait sa vengeance,
Tenait alors dans Blois les états de la France.
Peut-être on vous a dit quels furent ces états :
On proposa des lois qu’on n’exécuta pas ;
De mille députés l’éloquence stérile
Y fit de nos abus un détail inutile ;
Car de tant de conseils l’effet le plus commun
Est de voir tous nos maux sans en soulager un.
Au milieu des états, Guise avec arrogance
De son prince offensé vint braver la présence,
S’assit auprès du trône, et, sûr de ses projets,
Crut dans ces députés voir autant de sujets.
Déjà leur troupe indigne, à son tyran vendue,
Allait mettre en ses mains la puissance absolue,
Lorsque, las de le craindre, et las de l’épargner,
Valois voulut enfin se venger et régner.

  1. Le cardinal de Guise, l’un des frères du duc de Guise, avait dit plus d'une fois qu'il ne mourrait jamais content qu'il n’eût tenu la tête du roi entre ses jambes, pour lui faire une couronne de moine. Mme de Montpensier, sœur des Guises, voulait qu'on se servît de ses ciseaux pour ce saint usage. Tout le monde connaît la devise de Henri III; c'étaient trois couronnes avec ces mots: Manet ultima cœlo, auxquels les ligueurs substituèrent ceux-ci : Manet ultima claustro. On connaît aussi ces deux vers latins qu'on afficha aux portes du Louvre :
    Qui dedit ante duas, unam abstulit ; altera nutat ;
    Tertia tonsoris est facienda manu.

    En voici une traduction que l'auteur a lue dans les manuscrits de feu M. le président de Mesmes :
    Valois, qui les dames n'aime,
    Deux couronnes posséda ;
    Bientôt sa prudence extrême
    Des deux l'une lui ôta.
    L'autre va tombant de même,
    Grâce à ses heureux travaux.
    Une paire de ciseaux
    Lui baillera la troisième.

    (Note de Voltaire, 1723.)