Venez mourir ou vaincre aux remparts de Paris.
Alors un noble orgueil a rempli ses esprits :
Je ne me flatte point d’avoir pu dans son âme
Verser, par mon exemple, une si belle flamme ;
Sa disgrâce a sans doute éveillé sa vertu :
Il gémit du repos qui l’avait abattu.
Valois avait besoin d’un destin si contraire ;
Et souvent l’infortune aux rois est nécessaire. »
Tels étaient de Henri les sincères discours.
Des Anglais cependant il presse le secours :
Déjà du haut des murs de la ville rebelle
La voix de la victoire en son camp le rappelle ;
Mille jeunes Anglais vont bientôt sur ses pas[1]
Fendre le sein des mers, et chercher les combats.
Essex[2] est à leur tête, Essex dont la vaillance
À des fiers Castillans confondu la prudence,
Et qui ne croyait pas qu’un indigne destin
Dût flétrir les lauriers qu’avait cueillis sa main.
Henri ne l’attend point : ce chef que rien n’arrête,
Impatient de vaincre, à son départ s’apprête.
« Allez, lui dit la reine, allez, digne héros ;
Mes guerriers sur vos pas traverseront les flots.
Non, ce n’est point Valois, c’est vous qu’ils veulent suivre ;
À vos soins généreux mon amitié les livre :
Au milieu des combats vous les verrez courir,
Plus pour vous imiter que pour vous secourir.
Formés par votre exemple au grand art de la guerre,
Ils apprendront sous vous à servir l’Angleterre.
Puisse bientôt la Ligue expirer sous vos coups !
L’Espagne sert Mayenne, et Rome est contre vous :
Allez vaincre l’Espagne, et songez qu’un grand homme
Ne doit point redouter les vains foudres de Rome.
Allez des nations venger la liberté ;
- ↑ Ce vers était primitivement dans le chant Ier (B.)
- ↑ Robert d'Évreux, comte d'Essex, fameux par la prise de Cadix sur les Espagnols, par la tendresse d'Elisabeth pour lui, et par sa mort tragique arrivée en 1601. Il avait pris Cadix sur les Espagnols, et les avait battus plus d'une fois sur mer. La reine Elisabeth l'envoya effectivement en France en l590, au secours de Henri IV, à la tête de cinq mile hommes. (Note de Voltaire, 1730.)