Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/142

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Non la place du roi, mais celle de l’État :
Imitez la Sorbonne, ou craignez ma vengeance.
Le sénat répondit par un noble silence.
Tels, dans les murs de Rome abattus et brûlants,
Ces sénateurs courbés sous le fardeau des ans
Attendaient fièrement, sur leur siège immobiles,
Les Gaulois et la mort avec des yeux tranquilles.
Bussi, plein de fureur, et non pas sans effroi :
Obéissez, dit-il, tyrans, ou suivez-moi… »
Alors Harlay se lève, Harlay, ce noble guide,
Ce chef d’un parlement juste autant qu’intrépide ;
Il se présente aux Seize, il demande des fers,
Du front dont il aurait condamné ces pervers[1].
On voit auprès de lui les chefs de la justice,
Brûlant de partager l’honneur de son supplice,
Victimes de la foi qu’on doit aux souverains,
Tendre aux fers des tyrans leurs généreuses mains[2].
Muse, redites-moi ces noms chers à la France ;
Consacrez ces héros qu’opprima la licence,
Le vertueux de Thou[3], Molé, Scarron, Bayeul,

  1. Achorée dit dans Corneille, en parlant de Pompée :
    · · · · · · · · · · · · · · · Et s'avance au trépas
    Avec le même front qu'il donnait les États.

    Pompée, acte II, scène ii.
  2. Le 16 janvier 1589,Bussi-Le-Clerc, l'un des Seize, qui de tireur d'armes était devenu gouverneur de la Bastille, et le chef de cette faction, entra dans la grand' chambre du parlement, suivi de cinquante satellites : il présenta au parlement une requête, ou plutôt un ordre, pour forcer cette compagnie à ne plus reconnaître la maison royale.

    Sur le refus de la compagnie, il mena lui-même à la Bastille tous ceux qui étaient opposés à son parti; il les y fit jeûner au pain et à l'eau, pour les obliger à se racheter plus tôt de ses mains : voilà pourquoi on l'appelait le grand-pénitencier du parlement. (Note de Voltaire, 1730.)
  3. Augustin de Thou, second du nom, oncle du célèbre historien; il eut la charge de président du fameux Pibrac en 1585.

    Mole ne peut être qu'Edouard Mole, conseiller au parlement, mort en 1631.

    Scarron était le bisaïeul du fameux Scarron, si connu par ses poésies et par l'enjouement de son esprit.

    Bayeul était oncle du surintendant dos finances.

    Nicolas Potier de Novion de Blancménil, président à mortier, se nommait Blancménil, à cause de la terre de ce nom, qui depuis tomba dans la maison de
    Lamoignon, par le mariage de sa petite-fille avec le président de Lamoignon.

    Nicolas Potier ne fut pas, à la vérité, conduit à la Bastille avec les autres mem-