Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/157

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Son front de la vertu porte l’empreinte austère ;
Et son fer parricide est caché sous sa haire.
Il marche : ses amis, instruits de son dessein,
Et de fleurs sous ses pas parfumant son chemin,
Remplis d’un saint respect, aux portes le conduisent,
Bénissent son destin, l’encouragent, l’instruisent[1],
Placent déjà son nom parmi les noms sacrés
Dans les fastes de Rome à jamais révérés,
Le nomment à grands cris le vengeur de la France,
Et, l’encens à la main, l’invoquent par avance.
C’est avec moins d’ardeur, avec moins de transport,
Que les premiers chrétiens, avides de la mort,
Intrépides soutiens de la foi de leurs pères,
Au martyre autrefois accompagnaient leurs frères,
Enviaient les douceurs de leur heureux trépas,
Et baisaient, en pleurant, les traces de leurs pas[2].
Le fanatique aveugle et le chrétien sincère
Ont porté trop souvent le même caractère :
Ils ont même courage, ils ont mêmes désirs.
Le crime a ses héros ; l’erreur a ses martyrs :
Du vrai zèle et du faux vains juges que nous sommes !
Souvent des scélérats ressemblent aux grands hommes.
Mayenne, dont les yeux savent tout éclairer,
Voit le coup qu’on prépare, et feint de l’ignorer.

    Pense donc à toi, et te prépare, comme la couronne de martyre t'est aussi préparée. » « Cela dit, la vision se disparut, et le laissa rêver à telles paroles véritables. Le matin venu, frère Jacques se remet devant les yeux l'apparition précédente; et, douteux de ce qu'il devoit faire, s'adresse à un sien ami, aussi religieux, comme fort scientifique, et bien versé en la sainte Écriture, auquel il déclare franchement sa vision, lui demandant d'abondant si c'étoit chose agréable à Dieu de tuer un roi qui n'a ni foi ni religion, et qui ne cherche que l'oppression de ses pauvres sujets, étant altéré du sang innocent, et regorgeant en vices autant qu'il est possible. A quoi l'honnête homme fit réponse que véritablement il nous étoit défendu de Dieu étroitement d'être homicides; mais d'autant que le roi qu'il entendoit étoit un homme distrait et séparé de l'Église, qui bouffoit de tyrannies exécrables, et qui se déterminoit d'être le fléau perpétuel et sans retour de la France, il estimoit que celui qui le mettroit à mort, comme fit jadis Judith un Holopherne, feroit chose très-sainte et très-recommandable. » (K.) — Dans l'édition de 1730, on avait remplacé la note de 1723 par celle-ci : « Il jeûna, se confessa, et communia, avant de partir pour aller assassiner le roi. » (B.)

  1. Ce vers manque dans l'édition de 1723. (B.)
  2. Racine a dit, dans Bérénice, acte I, scène iv :
    Je cherchais en pleurant la trace de ses pas.