Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/159

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Ont rempli dès longtemps toutes les nations.
D’abord, autour de lui, les ligueurs en furie[1]
Commencent à grands cris ce sacrifice impie.
Leurs parricides bras se lavent dans le sang ;
De Valois sur l’autel ils vont percer le flanc ;
Avec plus de terreur, et plus encor de rage,
De Henri sous leurs pieds ils renversent l’image,
Et pensent que la mort[2], fidèle à leur courroux,
Va transmettre à ces rois l’atteinte de leurs coups.
L’Hébreu[3] a joint cependant la prière au blasphème :
Il invoque l’abîme, et les cieux, et Dieu même,
Tous ces impurs esprits qui troublent l’univers,
Et le feu de la foudre, et celui des enfers.
Tel fut dans Gelboa[4] le secret sacrifice
Qu’à ses dieux infernaux offrit la pythonisse,
Alors qu’elle évoqua devant un roi cruel
Le simulacre affreux du prêtre Samuel ;
Ainsi contre Juda, du haut de Samarie,
Des prophètes menteurs tonnait la bouche impie ;
Ou tel, chez les Romains, l’inflexible Atéius[5]
Maudit, au nom des dieux, les armes de Crassus.
Aux magiques accents que sa bouche prononce,
Les Seize osent du ciel attendre la réponse ;

  1. Ce vers et les dix-neuf qui le suivent ont été ajoutés en 1728.
  2. Plusieurs prêtres ligueurs avaient fait faire de petites images de cire qui représentaient Henri III et le roi de Navarre : ils les mettaient sur l'autel, les perçaient pendant la messe quarante jours consécutifs, et le quarantième jour les perçaient au cœur. (Note de Voltaire, 1730.)
  3. C'était, pour l'ordinaire, de juifs que l'on se servait pour faire des opérations magiques. Cette ancienne superstition vient des secrets de la cabale, dont les Juifs se disaient seuls dépositaires. Catherine de Médicis, la maréchale d'Ancre, et beaucoup d'autres, employèrent des juifs à ces prétendus sortilèges. (Id., 1730.)
  4. On a remarqué que Saül ne consulta pas la pythonisse dans Gelboa, ou plutôt Gelboé (comme dit l'Écriture), qui était une montagne sur laquelle l'armée de Saül fut défaite, et où il perdit la vie; Saül consulta la pythonisse dans la ville d'Endor, distante d'environ une journée de Gelboé.
  5. Atéius, tribun du peuple, ne pouvant empêcher Crassus de partir pour aller contre les Parthes, porta un brasier ardent à la porte de la ville par où Crassus sortait, y jeta certaines herbes, et maudit l'expédition de Crassus, en invoquant les divinités infernales. (Id., 1730.)