Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/177

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Par le vaillant Essex à cet assaut conduite,
Marchait sous nos drapeaux pour la première fois,
Et semblait s’étonner de servir sous nos rois.
Ils viennent soutenir l’honneur de leur patrie,
Orgueilleux de combattre, et de donner leur vie
Sur ces mêmes remparts et dans ces mêmes lieux
Où la Seine autrefois vit régner leurs aïeux.
Essex monte à la brèche où combattait d’Aumale ;
Tous deux jeunes, brillants, pleins d’une ardeur égale,
Tels qu’aux remparts de Troie on peint les demi-dieux.
Leurs amis, tout sanglants, sont en foule autour d’eux :
Français, Anglais, Lorrains, que la fureur assemble,
Avançaient, combattaient, frappaient, mouraient ensemble[1].
Ange, qui conduisiez leur fureur et leur bras,
Ange exterminateur, âme de ces combats,
De quel héros enfin prîtes-vous la querelle ?
Pour qui pencha des cieux la balance éternelle ?
Longtemps Bourbon, Mayenne, Essex, et son rival,
Assiégeants, assiégés, font un carnage égal.
Le parti le plus juste eut enfin l’avantage :
Enfin Bourbon l’emporte, il se fait un passage ;
Les ligueurs fatigués ne lui résistent plus ;
Ils quittent les remparts, ils tombent éperdus.
Comme on voit un torrent, du haut des Pyrénées,
Menacer des vallons les nymphes consternées ;
Les digues qu’on oppose à ses flots orageux
Soutiennent quelque temps son choc impétueux ;
Mais bientôt, renversant sa barrière impuissante,
Il porte au loin le bruit, la mort, et l’épouvante ;
Déracine, en passant, ces chênes orgueilleux
Qui bravaient les hivers, et qui touchaient les cieux ;
Détache les rochers du penchant des montagnes,
Et poursuit les troupeaux fuyant dans les campagnes :
Tel Bourbon descendait à pas précipités
Du haut des murs fumants qu’il avait emportés ;

  1. Palissot a remarqué que ce passage est imité de Xénophon, cité par Longin dans son Traité du sublime, et traduit ainsi par Boileau : « Ayant approché leurs boucliers les uns des autres, ils reculoient, ils combattoient, ils tuoient, ils mouroient ensemble. » (Traité du sublime, chapitre xvi, et Histoire grecque de Xénophon, livre IV.)