Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/187

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Il marche mollement vers ces ombrages frais.
Les Vents, à son aspect, s’arrêtent en silence ;
Les Songes fortunés, enfants de l’Espérance,
Voltigent vers le prince, et couvrent ce héros
D’olive et de lauriers, mêlés à leurs pavots.
Louis, en ce moment, prenant son diadème[1],
Sur le front du vainqueur il le posa lui-même :
« Règne, dit-il, triomphe, et sois en tout mon fils ;
Tout l’espoir de ma race en toi seul est remis[2] :
Mais le trône, ô Bourbon ! ne doit point te suffire ;
Des présents de Louis le moindre est son empire.
C’est peu d’être un héros, un conquérant, un roi ;
Si le ciel ne t’éclaire, il n’a rien fait pour toi.
Tous ces honneurs mondains ne sont qu’un bien stérile,
Des humaines vertus récompense fragile,
Un dangereux éclat qui passe et qui s’enfuit,
Que le trouble accompagne, et que la mort détruit.
Je vais te découvrir un plus durable empire,
Pour te récompenser, bien moins que pour t’instruire.
Viens, obéis, suis-moi par de nouveaux chemins :
Vole au sein de Dieu même, et remplis tes destins. »
L’un et l’autre, à ces mots, dans un char de lumière,
Des cieux, en un moment, traversent la carrière.
Tels on voit dans la nuit la foudre et les éclairs
Courir d’un pôle à l’autre, et diviser les airs ;
Et telle s’éleva cette nue embrasée[3]
Qui, dérobant aux yeux le maître d’Élisée,
Dans un céleste char, de flamme environné,
L’emporta loin des bords de ce globe étonné.

  1. Imitation de Racine, Andromaque, acte V, scène iii :
    Enfin avec transport prenant son diadème,
    Sur le front d'Andromaque il l'a placé lui-même.
  2. Dans l’Énéide, livre XII, vers 59, on lit .
    In te omnis domus inclinata recumbit.
  3. Le P. Lemoine (de qui est un quatrain attribué à Voltaire) avait dit dans son poëme de Saint Louis :
    Moins pompeuse monta cette nue embrasée
    Qui ravit autrefois le maître d'Elisée.