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574 LE TEMPLE DU GOUT.

Le (lion aimait fort tons ces messieurs, et surtout ceux qui ne se piquaient de rien : il avertissait Chaulieu de ne se croire que le premier des poètes négligés, et non pas le premier des bons poètes.

Ils faisaient conversation avec queUiues-uns des plus aimables hommes de leur temps. Ces entretiens n'ont ni l'afTectation de rhôtel de Rambouillet ', ni le tumulte qui règne parmi nos jeunes étourdis.

On y sait fuir ('gaiement

Le précieux, le pédanlisme,

L'air empesé du syllogisme,

Et l'air fou de l'emportement.

C'est l;i qu'avec grâce on allie

Le vrai savoir ii l'enjouement,

Et la justesse à la saillie ;

L'esprit en cent fa(.'Ons se plie;

On sait lancer, rendre, essuyer

Des traits d'aimable raillerie ;

Le bon sens, de peur d'ennuyer.

Se déguise en plaisanterie.

Là se trouvait Chapelle, ce génie plus débauclié encore que déhcat, phis naturel que poli, facile dans ses vers, incorrect dans son style, libre dans ses idées. Il parlait toujours au dieu du Goût sur les mêmes rimes. On dit que ce dieu lui répondit un jour :

« Réglez mieux votre passion Pour ces syllabes enfilées. Qui, chez Richelet étalées, Quelquefois sans invention. Disent avec profusion Des riens en rimes redoublées. »

Ce fut parmi ces hommes aimables que je rencontrai le prési- dent de Maisons, homme très-éloigné de dire des riens, homme aimable et solide, qui avait aimé tous les arts.

« transports! ô plaisirs! ô moments j)leins de charmes! Cher Maisons ! ni'écriai-je en l'arrosant de larmes, C'est toi que j'ai perdu, c'est toi que le trépas, A la fleur de tes ans, vint frapper dans mes bras.

1. Dt'spréaux alla réciter ses ouvrages à l'hôtel de Rambouillet. Il y trouva Chapelain, Cottin* et quelques gens de pareil goût, qui le reçurent fort mal. {Note de Voltaire, 1733.)

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