Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/64

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Ils formaient dans Paris cette Ligue fatale,
De sa faible puissance orgueilleuse rivale.
Les peuples déchaînés, vils esclaves des grands,
Persécutaient leur prince, et servaient des tyrans.
Ses amis corrompus bientôt l’abandonnèrent ;
Du Louvre épouvanté ses peuples le chassèrent :
Dans Paris révolté l’étranger accourut ;
Tout périssait enfin, lorsque Bourbon[1] parut.
Le vertueux Bourbon, plein d’une ardeur guerrière,
À son prince aveuglé vint rendre la lumière :
Il ranima sa force, il conduisit ses pas
De la honte à la gloire, et des jeux aux combats.
Aux remparts de Paris les deux rois s’avancèrent :
Rome s’en alarma ; les Espagnols tremblèrent :
L’Europe, intéressée à ces fameux revers,

    Honoré, sur les onze heures du soir, en revenant du Louvre. Il fut porté à ce même hôtel de Boissy où étaient morts ses deux amis; il y mourut, le lendemain, de trente-quatre blessures qu'il avait reçues la veille. Le duc de Guise, le Balafré, fut soupçonné de cet assassinat, parce que Saint-Mégrin s’était vanté d'avoir couché avec la duchesse de Guise. Les mémoires du temps rapportent que le duc de Mayenne fut reconnu, parmi les assassins, à sa barbe large et à sa main faite en épaule de mouton. Le duc de Guise ne passait pourtant point pour un homme trop sévère sur la conduite de sa femme; et il n'y a pas d'apparence que le duc de Mayenne, qui n'avait jamais fait aucune action de lâcheté, se fût avili jusqu'à se mêler dans une troupe de vingt assassins pour tuer un seul homme. Le roi baisa Saint-Mégrin, Quélus, et Maugiron, après leur mort, les fit raser, et garda leurs blonds cheveux; il ôta de sa main à Quélus des boucles d'oreilles qu'il lui avait attachées lui-même. M. de l’Estoile dit que ces trois mignons moururent sans aucune religion : Maugiron, en blasphémant; Quélus, en disant à tout moment : « Ah ! mon roi, mon roi ! » sans dire un seul mot de Jésus-Christ ni de la Vierge. Ils furent enterrés à Saint-Paul : le roi leur fit élever dans cette église trois tombeaux de marbre, sur lesquels étaient leurs figures à genoux; leurs tombeaux furent chargés d'épitaphes en prose et on vers, on latin et en français : on y comparait Maugiron à Horatius Coclès et à Annibal, parce qu'il était borgne comme eux. On ne rapporte point ici ces épitaphes, quoiqu'elles ne se trouvent que dans les Antiquités de Paris, imprimées sous le règne de Henri III. Il n'y a rien de remarquable ni de trop bon dans ces monuments; ce qu'il y a de meilleur est l'épitaphe de Quélus :

    Non injuriam, sed mortem patienter tulit.
    Il ne put souffrir un outrage,
    Et souffrit constamment la mort.
    (Note de Voltaire, 1723.) — Voyez, sur Joyeuse, les notes du troisième chant. (Id., 1730.)

  1. Henri IV, le héros de ce poëme, y est appelé indifféremment Bourbon ou Henri.

    Il naquit à Pau, en Béarn, le 13 décembre 1553. (Note de Voltaire, 1723 et 1730.)